mardi 15 novembre 2016

XI - Dénouement

Armand arrivait à la sortie 1.3 de la bretelle d’autoroute. Il mit son clignotant et entra dans la zone industrielle de la ville. Il se demandait encore où il devait aller quand le téléphone sonna comme si on savait qu’il attendait une réponse. Le gars au bout du fil – celui qui commençait sérieusement à lui taper sur le système – lui indiqua le chemin à suivre. Cette fois, il restait au téléphone pour lui dire au fur et à mesure ce qu’il devait faire. Armand arpentait des chemins mal entretenus, pleins de boue et de cailloux qui lui auraient réellement valu une crevaison.
Et deux éclatements en l’espace de dix minutes, il ne pensait pas que ça serait plausible. Il espéra donc que son imagination était plus que florissante. Il eut alors une idée. Une idée dangereuse mais qui valait peut-être le coup d’être tentée. Il avait des caisses pleines d’armes et d’explosifs. Il lui suffisait de prendre un revolver au moins. Les terroristes n’en sauraient rien avant qu’il ne les braque et déjà là, il les tiendrait en respect. Il pourrait alors négocier la vie d’Amy et la sienne en même temps.
Le chemin qu’on lui demandait de suivre tournait brusquement sur la gauche et de chaque côté se dressaient d’immenses hangars. Il lui fallait tout au plus une dizaine de secondes pour sortir et aller récupérer une arme à l’arrière. De plus, les terroristes avaient raccroché après lui avoir dit que c’était toujours tout droit. S’il avait voulu jouer au malin comme il en avait l’habitude, il serait rentré droit dans la tôle du hangar en face de lui, histoire de montrer à quel point il pouvait être idiot. Mais il s’abstint. Il s’arrêta, descendit du fourgon et alla ouvrir une des caisses contenant des revolvers automatiques à l’arrière. Il en prit un, le cacha sous sa chemise comme il l’avait vu faire dans les films et se remit au volant pour continuer son chemin.
Il arriva bientôt à une sorte de hangar à ciel ouvert. Disons qu’il y avait un toit mais plus de murs autour. C’était un bâtiment abandonné. Armand s’arrêta au milieu du chemin et jeta un œil autour de lui. Il ne vit rien, pas le moindre signe ni d’Amy ni des terroristes. Il avança de nouveau jusqu’à entrer dans le hangar. Au milieu de celui-ci, il immobilisa le fourgon, stoppa le moteur et descendit.
Quelqu’un lança un sifflement. Armand se tourna vers celui qui le sifflait. D’ordinaire, il se serait insurgé devant cette attitude, il n’était pas un chien. Mais aujourd’hui, c’était différent, il ne pensait qu’à s’en sortir, avec Amy, pourtant il savait qu’il avait peu de chances de s’en tirer.
Les terroristes étaient jeunes. Vingt-cinq à trente ans mais certainement pas plus. Ils avaient le crâne rasé de près.
– Votre fourgon, dit Armand en désignant le véhicule.
Un des terroristes s’avança vers le fourgon pour ouvrir les portes. Pris de panique, Armand sortit son arme. Il voulait juste menacer son adversaire mais ses neurones, déconnectés, confondirent les instructions et il fit feu.
Le coup fit un drôle de bruit à l’arrivée. Le terroriste regarda Armand, un rictus de douleur mêlé à de la surprise sur le visage. Il porta ses mains à son entrejambe et s’agenouilla avant de s’effondrer sur le sol, seul un son étranglé sortit de sa bouche. Armand ne comprenait pas et regardait son revolver, perplexe.
C’est quoi, cette tâche rose fluo sur son futal ? se demanda Armand.
Le second terroriste leva les mains et se rapprocha de son collègue qui parvenait maintenant à émettre quelques sons très aigus.
– C’est bon, ne tirez pas ! C’est rien ! dit-il.
C’est rien ? Réussi à articuler son compagnon. C’est rien ? Une balle de paint ball dans les noisettes, à bout portant, je peux t’assurer que c’est pas si rien que ça, connard !
Qu’est-ce que c’est que ce délire ? demanda Armand.
Nous sommes du 92ème.
Ce qui signifiait en somme que les deux clampins devant Armand appartenaient au 92ème régiment d’infanterie basé en ville.
Armand se tourna vers Amy qui se tenait, là un peu plus loin, les bras croisés, l’air plutôt fatiguée et en colère.
Armand ne comprenait pas plus.
– Mais pour quoi faire ? demanda-t-il en montrant son arme.
La fête annuelle du 92. Cette année, on voulait faire une partie de paint ball.
Mais on a cru que c’étaient des vrais !
C’est que vous ne savez pas regarder alors !
Ça ne colle pas tout ça, insista Armand. Il y a un truc qui me tracasse. Pourquoi ce fourgon se trouvait sur le parking du Fitness ? Pourquoi ne pas se faire livrer tout ça à la caserne ?
Et alors ? Pourquoi votre fourgon se trouvait sur le parking du Fitness avec une femme endormie à l’arrière ? Nous, on n’a rien fait de mal, on n’a pas vérifié. Il était convenu que l’on récupère un fourgon blanc avec notre matériel et puis c’est tout. La seule chose qui nous a paru louche, c’est que le fourgon était resté ouvert avec les clés sur le contact. On s’est barré sans vérifier, ce n’est qu’après qu’on a vu qu’il y avait votre dame à l’arrière et pas nos foutues caisses. Pour le reste, on ne voulait pas que nos supérieurs soient au courant. C’est une partie de paint ball clandestine !
Armand regarda Amy. De toute évidence, elle n’était pas dans un bon jour.
– Quand j’ai vu le portable sur le tableau de bord avec ton numéro comme seul numéro enregistré, je me suis demandé ce que tu étais encore en train de trafiquer ! dit Amy, en colère. T’es complètement malade de faire subir cela à une femme dans mon état !
Quoi ton état ? demanda Armand.
Mais t’es complètement irresponsable ! Et dire que je vais avoir un gosse avec toi !
Armand ne répondit pas. Il réfléchissait à ce qu’Amy venait de lui dire.
– T’es qu’un con ! Tu ne te rends même pas compte que dans huit mois tu vas être papa !

Papa ?

Il allait être papa !
Il souriait. Amy et ses réprimandes n’existaient plus :
– Faire subir un choc pareil à une femme enceinte ! Mais c’est complètement con ! J’aurais pu le perdre !
Armand regardait Amy, les larmes aux yeux.
Le bruit d’un moteur en furie se fit entendre et Clyde entra dans le hangar comme une trombe. Il dérapa, immobilisa son véhicule et en bondit tel un lion enragé. Armand leva une main pour lui faire signe que tout était bon. Clyde s’arrêta et regarda Amy et Armand d’un côté et les deux bidasses de l’autre.
– Attends Amy, je te présente Clyde. Un ami, dit Armand.
Clyde fit un signe de la main, gêné de son intrusion. Il recula lentement, en balançant les bras, ne sachant que faire.
– Je... Je vais prévenir Harry...
Armand acquiesça.
– Harry ? questionna Amy.
Un autre copain.
Ah ouais ! C’est ça tes copains ? Tes copains de beuverie ? Ça ne m’étonne pas qu’ils t’aient suivi dans ta connerie, répliqua-t-elle. Et c’est pour ces idiots que tu restes à te prendre des cuites ?
Ils étaient prêts à aller jusqu’au bout pour que je te retrouve, se justifia-t-il.
Les deux bidasses regardaient Clyde parler à une radio dans sa voiture. Ils ne comprenaient pas comment leur pote, celui qui devait livrer le fourgon plein de revolver à peinture, avait pu penser une seule seconde que ce gars aurait pu être un soldat.
Après les remerciements et les excuses, les bidasses reprirent leur fourgon. Clyde se chargea de raccompagner Amy et Armand, il se sentait coupable de tout ce qui s’était passé. Amy ne s’était pas calmée. Armand gardait le sourire : dans huit mois, il allait avoir une pisseuse ou un pisseux.
Cependant, il réalisait qu’il avait fait une grosse connerie et se demandait comment il pourrait redresser la barre. Peut-être que ses potes pourraient lui venir en aide ?
Et tout ça, à cause de quelques verres de plus.

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