Armand regardait les flics
devant lui. Ils n’étaient pas pressés, ça, c’était déjà
sûr. Il lui fallait garder tout son calme s’il ne voulait pas que
la situation ne dégénère davantage.
L’un des flics, le plus vieux,
s’avança lentement vers la portière du conducteur. Armand baissa
la vitre rapidement, histoire de gagner du temps mais aussi pour
éviter au flic de montrer un air supérieur en frappant au carreau.
L’autre flic, le plus jeune, qui ressemblait à une fouine et qui
devait en être à l’une de ses premières sorties, rejoignit son
collègue et mentor.
– Permis de conduire et
papiers du véhicule, dit le vieil agent de police, en regardant
quelque chose à l’horizon et en tendant la main vers Armand.
Celui-ci sortit son permis
ramassé dans sa veste. Il réagit alors qu’il n’avait pas les
papiers du fourgon. Il pensa regarder dans la boîte à gants, seule
solution qui s’offrait à lui, seul et unique espoir avant de
tenter un coup de bluff.
Il tendit son permis au vieux
loup de mer qui l’ouvrit puis il se pencha sur la boîte à gants.
C’est alors que lui vint une pensée des plus horribles. Le fourgon
était destiné à des terroristes. Et si la boîte à gants
renfermait des revolvers ? Il hésita un instant et l’ouvrit.
Aucune arme ne dégringola. La boîte contenait toutes sortes de
papiers, un fouillis incroyable. Armand transpirait à grosses
gouttes, une sueur froide lui parcourut le dos et une sensation
désagréable lui traversa le corps jusque dans l’entrejambe. Il
crut un instant qu’il allait pisser dans son froc.
Il fouina dans les papiers, à
la recherche d’un étui qui contiendrait la carte grise et
l’assurance du véhicule. En fait, il se foutait de savoir dans
quel état ces papiers étaient au fond de cette boîte à merde !
Tout ce qu’il voulait c’était mettre la main dessus !
– Vous n’avez pas les
papiers du véhicule ?
– Si je les ai, s’empressa
de répondre Armand. Mais voyez-vous, ma femme aussi utilise ce
fourgon de temps en temps. Et elle ne met jamais les papiers au même
endroit ! Et puis regardez-moi ce bordel dans cette boîte à gants !
On dirait son sac à main !
Armand commençait à trembler.
Il se redressa sur le siège et ce faisant il posa les yeux sur le
pare-soleil. Dernière chance. Il l’abaissa et vit un étui de cuir
coincé dans la lanière prévue à cet effet. Il sentit un
soulagement soudain mais rien n’était encore gagné. Il retira
l’étui et l’ouvrit. Il reconnut la carte grise et l’assurance.
Le soulagement était total désormais.
– Qu’est-ce que je
disais ! Elle ne les range jamais au même endroit !
Il tendit les papiers à l’agent
qui les examina. Le portable d’Armand sonna. Il tourna brusquement
la tête vers l’appareil et revint sur l’agent qui le fixait.
– Vous ne répondez pas ?
lui demanda le vieux briscard des contredanses.
– C’est ma femme. Elle
pourra attendre encore quelques minutes.
Le flic l’observa encore un
instant. Le téléphone s’arrêta de sonner. Armand vit la voiture
de Clyde s’engouffrer dans la rue et les dépasser lentement. Clyde
avait jeté un œil un peu partout pour s’assurer, certainement,
que tout allait bien. « La fouine », quant à lui, avait
fait le tour du fourgon. Il s’était arrêté vers les portes de
derrière.
– On lui fait ouvrir le
fourgon ? demanda-t-il.
Armand eut alors une
irrépressible envie de lui gueuler :
– Sale petit merdeux,
retourne dans les jupes de ta mère au lieu de faire chier l’honnête
contribuable !
Sans blague, pour qui se prenait
ce nabot ? Il n’avait pas encore de poil au menton et il jouait
déjà les robocop au rabais!
Le vieux loup de mer, lui,
n’avait pas répondu, il regardait encore les papiers. Armand pensa
que le comble dans l’histoire aurait été que le vétéran de la
sécurité routière ne sache pas lire ! Il se méfiait d’eux
depuis la dernière fois où il s’était fait flasher à 80 Kms/h
au lieu de 90 ! Il avait fait et refait l’itinéraire une bonne
vingtaine de fois durant les mois qui suivirent pour bien regarder
l’emplacement de tous les panneaux pouvant indiquer une limitation
plus basse mais n’en avait pas trouvé ! Pas la moindre trace,
juste des panneaux qui indiquaient que la vitesse était fixée à
90. Ayant reçu le papillon, il s’était rendu à la gendarmerie
pour contester l’amende. Il était tombé sur une femme dont
l’uniforme, manifestement, avait noyé une intelligence relative
sous une tonne de je-me-la-pète-grave-avec-cette-tenue !
Elle ne comprenait pas ce qu’il
lui disait alors qu’il lui avait décrit les faits avec une
précision telle que, désormais, il ne pouvait rien faire de mieux
qu’un dessin pour lui montrer. Et encore. Pire avait été la
suite, quand elle lui avait dit que les motards, qui flashaient les
gens pas gentils roulant au dessus de la normal, ne touchaient aucune
commission sur l’amende. Il n’empêchait qu’Armand n’avait
pas vu les choses sous cet angle. Il s’en foutait de savoir si les
flics prenaient une commission ou pas, ce qu’il regardait surtout,
c’était qu’il en était de quatre cents balles de sa poche alors
qu’il n’avait rien fait, donc rien à se reprocher.
Aujourd’hui, il espérait que
le loup de mer était blasé de toutes ces conneries et qu’il
n’allait pas perdre son temps à le faire descendre du fourgon pour
ouvrir les portes arrière, afin que la curiosité de La Fouine en
couche-culotte soit satisfaite.
Le vieux, redressa la tête vers
son jeune collègue.
– Quoi ? Qu’est-ce tu
dis ? demanda-t-il.
Armand crut qu’il allait
mourir, au mieux, ou au pire sortir pour commettre les deux premiers
meurtres de sa misérable vie. Il sentait bouillonner la colère en
lui alors que le nabot répétait ce qu’il voulait faire, c’est à
dire ouvrir ces maudites portes de ce maudit fourgon à la con !
– Non c’est bon, laisse
faire, finit par dire le vieux loup.
Armand soupira. Il réalisa
après coup que si le vieux robocop l’avait vu soupirer
comme ça, il se serait posé des questions et aurait tout de même
demandé à regarder dans le fourgon. Il lui fallait être plus
concentré. Le sympathique agent des forces de l’ordre tendit les
papiers à Armand qui les remit dans la poche intérieure de son
blouson.
– Merci monsieur et
faites attention sur la route. Évitez de répondre au téléphone en
conduisant, lui dit le vieux loup de mer sur un ton aimable qu’Armand
n’aurait jamais cru possible.
Armand acquiesça et ne put
s’empêcher de sourire. Il redémarra et reprit la route. Quand le
portable sonna une seconde fois, il répondit, loin des conseils du
vieux loup de mer. Le type à l’autre bout du fil n’avait pas
l’air très content. Armand ne lui dit rien au sujet de la
flicaille, il ne voulait pas risquer la vie d’Amy et tant pis si le
terroriste était en fait en train de le suivre, tant pis s’il
avait vu ce qui s’était réellement passé. Armand dit simplement
qu’il avait crevé et qu’il n’avait pas entendu le portable
sonner dans la cabine. Le gars sembla le croire. Ce qui signifiait
qu’il n’était pas suivi. C’était déjà une bonne chose.
Quand Armand repartit, Harry le
vit sur son moniteur et en prévint tout de suite Clyde qui
commençait à s’endormir au volant de sa voiture. Il ne démarra
pas tout de suite, il attendit, comme il avait été convenu,
qu’Harry lui fasse signe. Au moment voulu, il reprit sa poursuite.
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