mardi 15 novembre 2016

X – Le contrôle

Armand regardait les flics devant lui. Ils n’étaient pas pressés, ça, c’était déjà sûr. Il lui fallait garder tout son calme s’il ne voulait pas que la situation ne dégénère davantage.
L’un des flics, le plus vieux, s’avança lentement vers la portière du conducteur. Armand baissa la vitre rapidement, histoire de gagner du temps mais aussi pour éviter au flic de montrer un air supérieur en frappant au carreau. L’autre flic, le plus jeune, qui ressemblait à une fouine et qui devait en être à l’une de ses premières sorties, rejoignit son collègue et mentor.
Permis de conduire et papiers du véhicule, dit le vieil agent de police, en regardant quelque chose à l’horizon et en tendant la main vers Armand.
Celui-ci sortit son permis ramassé dans sa veste. Il réagit alors qu’il n’avait pas les papiers du fourgon. Il pensa regarder dans la boîte à gants, seule solution qui s’offrait à lui, seul et unique espoir avant de tenter un coup de bluff.
Il tendit son permis au vieux loup de mer qui l’ouvrit puis il se pencha sur la boîte à gants. C’est alors que lui vint une pensée des plus horribles. Le fourgon était destiné à des terroristes. Et si la boîte à gants renfermait des revolvers ? Il hésita un instant et l’ouvrit. Aucune arme ne dégringola. La boîte contenait toutes sortes de papiers, un fouillis incroyable. Armand transpirait à grosses gouttes, une sueur froide lui parcourut le dos et une sensation désagréable lui traversa le corps jusque dans l’entrejambe. Il crut un instant qu’il allait pisser dans son froc.
Il fouina dans les papiers, à la recherche d’un étui qui contiendrait la carte grise et l’assurance du véhicule. En fait, il se foutait de savoir dans quel état ces papiers étaient au fond de cette boîte à merde ! Tout ce qu’il voulait c’était mettre la main dessus !
– Vous n’avez pas les papiers du véhicule ?
Si je les ai, s’empressa de répondre Armand. Mais voyez-vous, ma femme aussi utilise ce fourgon de temps en temps. Et elle ne met jamais les papiers au même endroit ! Et puis regardez-moi ce bordel dans cette boîte à gants ! On dirait son sac à main !
Armand commençait à trembler. Il se redressa sur le siège et ce faisant il posa les yeux sur le pare-soleil. Dernière chance. Il l’abaissa et vit un étui de cuir coincé dans la lanière prévue à cet effet. Il sentit un soulagement soudain mais rien n’était encore gagné. Il retira l’étui et l’ouvrit. Il reconnut la carte grise et l’assurance. Le soulagement était total désormais.
– Qu’est-ce que je disais ! Elle ne les range jamais au même endroit !
Il tendit les papiers à l’agent qui les examina. Le portable d’Armand sonna. Il tourna brusquement la tête vers l’appareil et revint sur l’agent qui le fixait.
– Vous ne répondez pas ? lui demanda le vieux briscard des contredanses.
C’est ma femme. Elle pourra attendre encore quelques minutes.
Le flic l’observa encore un instant. Le téléphone s’arrêta de sonner. Armand vit la voiture de Clyde s’engouffrer dans la rue et les dépasser lentement. Clyde avait jeté un œil un peu partout pour s’assurer, certainement, que tout allait bien. « La fouine », quant à lui, avait fait le tour du fourgon. Il s’était arrêté vers les portes de derrière.
– On lui fait ouvrir le fourgon ? demanda-t-il.
Armand eut alors une irrépressible envie de lui gueuler :
– Sale petit merdeux, retourne dans les jupes de ta mère au lieu de faire chier l’honnête contribuable !
Sans blague, pour qui se prenait ce nabot ? Il n’avait pas encore de poil au menton et il jouait déjà les robocop au rabais!
Le vieux loup de mer, lui, n’avait pas répondu, il regardait encore les papiers. Armand pensa que le comble dans l’histoire aurait été que le vétéran de la sécurité routière ne sache pas lire ! Il se méfiait d’eux depuis la dernière fois où il s’était fait flasher à 80 Kms/h au lieu de 90 ! Il avait fait et refait l’itinéraire une bonne vingtaine de fois durant les mois qui suivirent pour bien regarder l’emplacement de tous les panneaux pouvant indiquer une limitation plus basse mais n’en avait pas trouvé ! Pas la moindre trace, juste des panneaux qui indiquaient que la vitesse était fixée à 90. Ayant reçu le papillon, il s’était rendu à la gendarmerie pour contester l’amende. Il était tombé sur une femme dont l’uniforme, manifestement, avait noyé une intelligence relative sous une tonne de je-me-la-pète-grave-avec-cette-tenue !
Elle ne comprenait pas ce qu’il lui disait alors qu’il lui avait décrit les faits avec une précision telle que, désormais, il ne pouvait rien faire de mieux qu’un dessin pour lui montrer. Et encore. Pire avait été la suite, quand elle lui avait dit que les motards, qui flashaient les gens pas gentils roulant au dessus de la normal, ne touchaient aucune commission sur l’amende. Il n’empêchait qu’Armand n’avait pas vu les choses sous cet angle. Il s’en foutait de savoir si les flics prenaient une commission ou pas, ce qu’il regardait surtout, c’était qu’il en était de quatre cents balles de sa poche alors qu’il n’avait rien fait, donc rien à se reprocher.
Aujourd’hui, il espérait que le loup de mer était blasé de toutes ces conneries et qu’il n’allait pas perdre son temps à le faire descendre du fourgon pour ouvrir les portes arrière, afin que la curiosité de La Fouine en couche-culotte soit satisfaite.
Le vieux, redressa la tête vers son jeune collègue.
– Quoi ? Qu’est-ce tu dis ? demanda-t-il.
Armand crut qu’il allait mourir, au mieux, ou au pire sortir pour commettre les deux premiers meurtres de sa misérable vie. Il sentait bouillonner la colère en lui alors que le nabot répétait ce qu’il voulait faire, c’est à dire ouvrir ces maudites portes de ce maudit fourgon à la con !
– Non c’est bon, laisse faire, finit par dire le vieux loup.
Armand soupira. Il réalisa après coup que si le vieux robocop l’avait vu soupirer comme ça, il se serait posé des questions et aurait tout de même demandé à regarder dans le fourgon. Il lui fallait être plus concentré. Le sympathique agent des forces de l’ordre tendit les papiers à Armand qui les remit dans la poche intérieure de son blouson.
– Merci monsieur et faites attention sur la route. Évitez de répondre au téléphone en conduisant, lui dit le vieux loup de mer sur un ton aimable qu’Armand n’aurait jamais cru possible.
Armand acquiesça et ne put s’empêcher de sourire. Il redémarra et reprit la route. Quand le portable sonna une seconde fois, il répondit, loin des conseils du vieux loup de mer. Le type à l’autre bout du fil n’avait pas l’air très content. Armand ne lui dit rien au sujet de la flicaille, il ne voulait pas risquer la vie d’Amy et tant pis si le terroriste était en fait en train de le suivre, tant pis s’il avait vu ce qui s’était réellement passé. Armand dit simplement qu’il avait crevé et qu’il n’avait pas entendu le portable sonner dans la cabine. Le gars sembla le croire. Ce qui signifiait qu’il n’était pas suivi. C’était déjà une bonne chose.

Quand Armand repartit, Harry le vit sur son moniteur et en prévint tout de suite Clyde qui commençait à s’endormir au volant de sa voiture. Il ne démarra pas tout de suite, il attendit, comme il avait été convenu, qu’Harry lui fasse signe. Au moment voulu, il reprit sa poursuite.
_____________________________________________

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire