mardi 15 novembre 2016

IX - Filature

Clyde attendait aussi patiemment que possible qu’Armand parte au volant de son fourgon bourré de matériel avec lequel on pouvait mener une gentille petite guerre de quartier.
Il attendait qu’Harry lui fasse signe et lui dise qu’il pouvait démarrer.
Il attendait.
Il n’aurait plus longtemps à attendre mais ce qui le tracassait le plus, c’était son rôle dans tout ça. Il allait suivre Armand, ça, il le savait, mais ensuite ? Que pourrait-il faire ? Il serait à distance raisonnable pour ne pas éveiller les soupçons de ceux qui détenaient Amy mais il ne savait pas comment il devrait réagir une fois qu’il serait là où les lascars avaient décidé de mener Armand.
S’ils s’apercevaient que celui-ci était filé, ils tueraient la jeune femme, c’était sûr.
S’ils ne s’apercevaient de rien, il serait certainement déjà un peu tard lorsque Clyde apparaîtrait au volant de son bolide, fonçant tel un damné pour sauver son pote et la femme de son pote.
Il allait improviser. Armand démarrait, l’heure n’était plus aux questions, il fallait passer à l’action. Action qui se résumait pour le moment à attendre qu’Harry dise « Ok, c’est bon vas-y ». Ce que la radio lui dit quelques minutes après qu’Armand eut disparu dans l’avenue Malintrat. Clyde démarra et sur les conseils d’Harry, il roula tranquillement, légèrement en dessous de la vitesse limitée. Si Armand ne pouvait se permettre de se faire arrêter par les flics, lui non plus ne le pouvait pas. Si lui s’arrêtait, il prenait le risque d’arriver en retard, surtout pour une couverture en cas de grabuge. Il ne pensait pas que les autres allaient se soucier d’un misérable petit commercial dans un magasin de chaussures et de sa femme. Ils auraient récupéré leur fourgon de feux d’artifice. Qu’est-ce qui les empêchait de recommander les âmes d’Amy et Armand à celui qui était sensé tout surveiller de là haut ?
Clyde prit l’avenue Malintrat comme le lui précisa Harry. Il lui indiquait tout ce que faisait Armand. Du moins, tout ce que son moniteur au bureau lui permettait de voir. C’est à dire pas grand-chose, juste un point d’une certaine couleur qui se promenait sur une carte simplifiée de la ville affichée à l’écran. Il le sentait impuissant, le Harry, comme lui d’ailleurs. Il sentait au fond de lui qu’il ne servirait à rien dans l’histoire et que son pote Armand courait au devant d’une mort certaine.
Arrête-toi où tu le peux ! lui intima Harry.
C’était si soudain que Clyde crut renverser un ou deux piétons après avoir embroché un camion sur sa gauche quand il s’arrêta sur le bas côté. Ni le camion, ni les piétons n’avaient eu à souffrir du moindre incident, par contre lui, son cœur battait la chamade dans sa poitrine.
Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il, quelque peu énervé.
Il s’est arrêté. Il a pris Les Courtines, sûrement pour sortir et rejoindre l’autoroute, lui expliqua Harry.
Clyde regardait en direction de la rue appelée Les Courtines. Il ne voyait rien, son angle de vision ne le lui permettait pas.
Bon, j’y vais ! dit-il à la radio.
Quoi ? Non ! Tu restes où tu es pour le moment !
T’inquiète ! Je vais voir, c’est tout, je passe à côté de lui pour voir ce qu’il trafique et ce qui lui arrive. On ne sait jamais, il a peut-être crevé un pneu.
Silence à l’autre bout. Cela signifiait qu’Harry prenait en compte ce qu’il disait. Mais Clyde n’allait pas attendre cent sept ans que sa majesté se décide à avouer.
– Ok, vas-y ! Mais fais gaffe, lui dit alors Harry, de l’inquiétude dans la voix.
Clyde reprit la route, la coupa et passa dans Les Courtines. Il vit Armand, ou plutôt le fourgon blanc, un peu plus loin. Il voulut accélérer un peu mais s’en abstint quand il vit les deux flicaillons du côté du conducteur. Le sang de Clyde ne fit qu’un tour. Son cœur se mit à battre très fort. Il crut même un instant qu’il allait lui sortir de la cage thoracique comme le monstre dans ces films d’horreur avec Sigourney Weaver, Alien. Si ça continuait à ce rythme, le second passager n’allait pas tarder à redéfinir la couleur du pare brise.
– Il s’est fait arrêter par les cow-boys, dit-il en appuyant sur le bouton de la radio, sans pour autant la prendre à pleine main afin d’éviter de se faire arrêter lui aussi. 
Il entendit merde à l’autre bout de la radio. Il prit une ruelle un peu plus loin, se gara le long du trottoir et fit ce qu’il savait le mieux faire : attendre.

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