Clyde attendait aussi patiemment
que possible qu’Armand parte au volant de son fourgon bourré de
matériel avec lequel on pouvait mener une gentille petite guerre de
quartier.
Il attendait qu’Harry lui
fasse signe et lui dise qu’il pouvait démarrer.
Il attendait.
Il n’aurait plus longtemps à
attendre mais ce qui le tracassait le plus, c’était son rôle dans
tout ça. Il allait suivre Armand, ça, il le savait, mais ensuite ?
Que pourrait-il faire ? Il serait à distance raisonnable pour ne pas
éveiller les soupçons de ceux qui détenaient Amy mais il ne savait
pas comment il devrait réagir une fois qu’il serait là où les
lascars avaient décidé de mener Armand.
S’ils s’apercevaient que
celui-ci était filé, ils tueraient la jeune femme, c’était sûr.
S’ils ne s’apercevaient de
rien, il serait certainement déjà un peu tard lorsque Clyde
apparaîtrait au volant de son bolide, fonçant tel un damné pour
sauver son pote et la femme de son pote.
Il allait improviser. Armand
démarrait, l’heure n’était plus aux questions, il fallait
passer à l’action. Action qui se résumait pour le moment à
attendre qu’Harry dise « Ok, c’est bon vas-y ». Ce
que la radio lui dit quelques minutes après qu’Armand eut disparu
dans l’avenue Malintrat. Clyde démarra et sur les conseils
d’Harry, il roula tranquillement, légèrement en dessous de la
vitesse limitée. Si Armand ne pouvait se permettre de se faire
arrêter par les flics, lui non plus ne le pouvait pas. Si lui
s’arrêtait, il prenait le risque d’arriver en retard, surtout
pour une couverture en cas de grabuge. Il ne pensait pas que les
autres allaient se soucier d’un misérable petit commercial dans un
magasin de chaussures et de sa femme. Ils auraient récupéré leur
fourgon de feux d’artifice. Qu’est-ce qui les empêchait de
recommander les âmes d’Amy et Armand à celui qui était sensé
tout surveiller de là haut ?
Clyde prit l’avenue Malintrat
comme le lui précisa Harry. Il lui indiquait tout ce que faisait
Armand. Du moins, tout ce que son moniteur au bureau lui permettait
de voir. C’est à dire pas grand-chose, juste un point d’une
certaine couleur qui se promenait sur une carte simplifiée de la
ville affichée à l’écran. Il le sentait impuissant, le Harry,
comme lui d’ailleurs. Il sentait au fond de lui qu’il ne
servirait à rien dans l’histoire et que son pote Armand courait au
devant d’une mort certaine.
– Arrête-toi où tu le peux !
lui intima Harry.
C’était si soudain que Clyde
crut renverser un ou deux piétons après avoir embroché un camion
sur sa gauche quand il s’arrêta sur le bas côté. Ni le camion,
ni les piétons n’avaient eu à souffrir du moindre incident, par
contre lui, son cœur battait la chamade dans sa poitrine.
– Qu’est-ce qu’il y a ?
demanda-t-il, quelque peu énervé.
– Il s’est arrêté. Il a
pris Les Courtines, sûrement pour sortir et rejoindre
l’autoroute, lui expliqua Harry.
Clyde regardait en direction de
la rue appelée Les Courtines. Il ne voyait rien, son angle de
vision ne le lui permettait pas.
– Bon, j’y vais ! dit-il à
la radio.
– Quoi ? Non ! Tu restes où
tu es pour le moment !
– T’inquiète ! Je vais
voir, c’est tout, je passe à côté de lui pour voir ce qu’il
trafique et ce qui lui arrive. On ne sait jamais, il a peut-être
crevé un pneu.
Silence à l’autre bout. Cela
signifiait qu’Harry prenait en compte ce qu’il disait. Mais Clyde
n’allait pas attendre cent sept ans que sa majesté se décide à
avouer.
– Ok, vas-y ! Mais fais
gaffe, lui dit alors Harry, de l’inquiétude dans la voix.
Clyde reprit la route, la coupa
et passa dans Les Courtines. Il vit Armand, ou plutôt le
fourgon blanc, un peu plus loin. Il voulut accélérer un peu mais
s’en abstint quand il vit les deux flicaillons du côté du
conducteur. Le sang de Clyde ne fit qu’un tour. Son cœur se mit à
battre très fort. Il crut même un instant qu’il allait lui sortir
de la cage thoracique comme le monstre dans ces films d’horreur
avec Sigourney Weaver, Alien. Si ça continuait à ce rythme,
le second passager n’allait pas tarder à redéfinir la couleur du
pare brise.
– Il s’est fait arrêter
par les cow-boys, dit-il en appuyant sur le bouton de la radio, sans
pour autant la prendre à pleine main afin d’éviter de se faire
arrêter lui aussi.
Il entendit merde à
l’autre bout de la radio. Il prit une ruelle un peu plus loin, se
gara le long du trottoir et fit ce qu’il savait le mieux faire :
attendre.
_____________________________________________
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire