mardi 15 novembre 2016

VIII – Le trajet

Armand tapotait sur le volant de son fourgon. La demie heure était passée depuis quelques minutes et il n’avait reçu aucun coup de fil. Il commençait à s’impatienter d’ailleurs. Il faisait chaud en plus et il ne supportait pas la chaleur, ça le piquait de partout. Le portable sonna alors. Il se précipita dessus manquant de le faire passer par la fenêtre ouverte de la portière. Il répondit.
– Avancez jusqu’à la prochaine intersection. Vous serez sur l’avenue Malintrat n’est-ce pas ?
C’est exact, dit-il calmement malgré son empressement d’en finir.
Vous irez jusqu’au bout et vous prendrez à gauche au troisième feu.
Compris, mais...
Il ne put finir, on avait raccroché. Il se répéta les ordres, histoire de ne pas se planter. D’après ce que le gars lui avait dit, rien ne lui permettait de savoir si on le suivait, pour vérifier qu’il obéissait aux ordres. Il n’avait aucune indication quant à ceux qui détenaient Amy, rien qui puisse l’aider à s’en sortir. Pour le moment sa vie et celle de sa femme étaient contenues dans des caisses à l’arrière.
Il démarra et au carrefour, un peu plus loin, il prit sur sa droite, s’engageant sur l’avenue Malintrat. Il ne roulait pas vite, du moins pas au-delà de la vitesse autorisée, histoire de ne pas se faire repérer par les flics. Il jeta un œil dans le rétro mais ne vit pas Clyde. De toute façon, arrivé à destination, il pensait qu’il n’y aurait rien à couvrir. Il allait rendre le fourgon à son véritable propriétaire, il allait peut-être serrer sa femme dans ses bras et mourir avec elle, une balle dans le crâne.
Et tout ça, à cause de quelques verres de plus.
Il ne connaîtrait jamais la joie de lui faire un enfant. De la voir grossir, se regarder dans la glace en pestant qu’elle était la dernière créature immonde d’un roman de Lovecraft, alors que lui la trouverait plus belle que jamais. Il ne comprenait pas pourquoi les femmes se voyaient toujours comme des êtres horribles à regarder lorsqu’elles attendaient un heureux événement. Cette expression aussi le faisait sourire.
Un heureux événement.
C’était avant tout un bébé qu’elles avaient au creux de leur ventre. Un petit être de vie qu’elles sentaient grandir en elles durant neuf mois. Neuf mois durant lesquels le futur papa pouvait s’en prendre plein la tête, parce que si les nénettes pouvaient être désagréables au possible durant leurs périodes de ragnouttes, dans le cas d’une attente de l’enfant, c’était tous les jours qu’il fallait accepter les crises et se taire.
En attendant, il devait tourner sur sa gauche au feu. Ce qu’il fit calmement. Seulement que devait-il faire maintenant ? Continuer ? Il arrivait à une intersection, elle serait là dans une centaine de mètres. Et s’il devait tourner et qu’il ratait l’intersection ? Il ne pourrait faire demi tour, pas ici, la route était pas mal fréquentée. L’intersection approchait quand le portable sonna et vibra sur le tableau de bord. Il décrocha.
Vous en êtes où ? lui demanda-t-on.
À l’intersection entre Malintrat et Les Courtines.
Vous prenez Les Courtines et vous sortez de la ville pour prendre l’autoroute. Ensuite, vous sortirez à la 1.3.
On raccrocha.
La sortie 1.3 donnait sur la zone industrielle de la ville. Mais avant de la prendre, il devrait s’arrêter. Sur le bas côté de préférence. Pas loin des deux types en uniformes bleus qui lui faisaient signe de stopper.
Et tout ça, à cause de quelques verres de plus.

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