Armand tapotait sur le volant de
son fourgon. La demie heure était passée depuis quelques minutes et
il n’avait reçu aucun coup de fil. Il commençait à s’impatienter
d’ailleurs. Il faisait chaud en plus et il ne supportait pas la
chaleur, ça le piquait de partout. Le portable sonna alors. Il se
précipita dessus manquant de le faire passer par la fenêtre ouverte
de la portière. Il répondit.
– Avancez jusqu’à la
prochaine intersection. Vous serez sur l’avenue Malintrat
n’est-ce pas ?
– C’est exact, dit-il
calmement malgré son empressement d’en finir.
– Vous irez jusqu’au bout et
vous prendrez à gauche au troisième feu.
– Compris, mais...
Il ne put finir, on avait
raccroché. Il se répéta les ordres, histoire de ne pas se planter.
D’après ce que le gars lui avait dit, rien ne lui permettait de
savoir si on le suivait, pour vérifier qu’il obéissait aux
ordres. Il n’avait aucune indication quant à ceux qui détenaient
Amy, rien qui puisse l’aider à s’en sortir. Pour le moment sa
vie et celle de sa femme étaient contenues dans des caisses à
l’arrière.
Il démarra et au carrefour, un
peu plus loin, il prit sur sa droite, s’engageant sur l’avenue
Malintrat. Il ne roulait pas vite, du moins pas au-delà de la
vitesse autorisée, histoire de ne pas se faire repérer par les
flics. Il jeta un œil dans le rétro mais ne vit pas Clyde. De toute
façon, arrivé à destination, il pensait qu’il n’y aurait rien
à couvrir. Il allait rendre le fourgon à son véritable
propriétaire, il allait peut-être serrer sa femme dans ses bras et
mourir avec elle, une balle dans le crâne.
Et tout ça, à cause de
quelques verres de plus.
Il ne connaîtrait jamais la
joie de lui faire un enfant. De la voir grossir, se regarder dans la
glace en pestant qu’elle était la dernière créature immonde d’un
roman de Lovecraft, alors que lui la trouverait plus belle que
jamais. Il ne comprenait pas pourquoi les femmes se voyaient toujours
comme des êtres horribles à regarder lorsqu’elles attendaient un
heureux événement. Cette expression aussi le faisait sourire.
Un heureux événement.
C’était avant tout un bébé
qu’elles avaient au creux de leur ventre. Un petit être de vie
qu’elles sentaient grandir en elles durant neuf mois. Neuf mois
durant lesquels le futur papa pouvait s’en prendre plein la tête,
parce que si les nénettes pouvaient être désagréables au possible
durant leurs périodes de ragnouttes, dans le cas d’une attente de
l’enfant, c’était tous les jours qu’il fallait accepter les
crises et se taire.
En attendant, il devait tourner
sur sa gauche au feu. Ce qu’il fit calmement. Seulement que
devait-il faire maintenant ? Continuer ? Il arrivait à une
intersection, elle serait là dans une centaine de mètres. Et s’il
devait tourner et qu’il ratait l’intersection ? Il ne pourrait
faire demi tour, pas ici, la route était pas mal fréquentée.
L’intersection approchait quand le portable sonna et vibra sur le
tableau de bord. Il décrocha.
– Vous en êtes où ? lui
demanda-t-on.
– À l’intersection entre
Malintrat et Les Courtines.
– Vous prenez Les Courtines
et vous sortez de la ville pour prendre l’autoroute. Ensuite, vous
sortirez à la 1.3.
On raccrocha.
La sortie 1.3 donnait sur
la zone industrielle de la ville. Mais avant de la prendre, il
devrait s’arrêter. Sur le bas côté de préférence. Pas loin des
deux types en uniformes bleus qui lui faisaient signe de stopper.
Et tout ça, à cause de
quelques verres de plus.
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