Clyde et Harry se rendirent chez
Armand qui fut étonné de les voir.
– Vous avez fait quoi ?
demanda Armand perplexe.
– On a perdu le fourgon,
répondit Harry, gêné.
Il y avait de quoi. Ils
s’étaient fait piquer le fourgon dans lequel se trouvait Amy, la
femme d’Armand, endormie au chloroforme. Ils ne savaient bien
entendu pas où la retrouver, ni même s’ils allaient la retrouver.
Armand n’en croyait pas ses
oreilles. Il les regardait, sans rien dire. Il ne savait pas quoi
dire. Il pensa un instant que s’était une blague que Clyde avait
mise sur pied.
C’était ça, ils voulaient
lui faire une blague. Douteuse mais une blague quand même. Il
comprit vite qu’il se faisait des idées. Harry et Clyde avaient
réellement perdu le fourgon.
– Qu’est-ce qui s’est
passé ? risqua-t-il.
Harry baissa la tête et
raconta.
Rien ne s’est passé comme
prévu. Si on t’avait appelé, c’était pour que tu puisses la
faire sortir de la salle de gym. C’était pour éviter que l’on
ait des témoins sur les bras. Quand on l’a vue sortir de la salle,
on s’est dit que tu avais pu l’avoir au téléphone et que tu
avais réussi à la convaincre de sortir plus tôt. En fait, elle
était malade. Clyde l’a endormie au chloroforme, au moment où tu
m’as appelé. Il l’a mise dans le fourgon et il est revenu me
chercher. Quand on est sorti, le fourgon n’était plus là, on
avait laissé les clés dessus. On a oublié de les retirer dans
notre empressement.
On ne savait plus quoi faire
quand un fourgon, pareil au notre ou presque, est arrivé. Il avait
au moins la même couleur ! Un type est descendu et nous a regardé
bizarrement. Il a jeté un œil inquiet autour de lui avant de venir
vers nous. On ne savait pas quoi faire. Il nous a fait :
– Vous êtes en
avance ! On ne devait pas se croiser ! Tenez ! Les clés et faites
gaffe !
Et là dessus il est parti à
pied.
– Et alors ? C’est
quoi ce fourgon ? demanda Armand, pressé de savoir.
Clyde et Harry se regardèrent.
– Tu ferais mieux de venir
voir par toi-même, pas besoin d’en parler ici.
Ils se levèrent. Armand, ne
sachant pas quoi penser, quoi dire, les suivit comme un zombie. Il ne
savait pas comment réagir, s’il devait hurler de désespoir ou de
colère. Il avait même envie de rire aussi, un rire nerveux qui
voulait s’échapper de ses tripes.
Ils sortirent du bar où ils
avaient leurs habitudes et se dirigèrent vers un fourgon blanc qui,
hormis la plaque d’immatriculation, était pareil à celui qu’Harry
avait pu dégoter afin de tenter le sauvetage du mariage d’Armand.
Harry ouvrit les portes arrières
du véhicule en regardant un peu partout autour de lui.
À l’intérieur,
s’amoncelaient des caisses. Armand les examina et regarda tour à
tour Harry et Clyde.
– Elles sont remplies de
flingues, lui expliqua Clyde.
– Et ma femme ? demanda
Armand.
Clyde et Harry baissèrent la
tête. Armand venait d’hériter de quoi faire la révolution mais
sa femme, celle qu’il avait voulu récupérer en mettant sur pied
une action complètement démente, était quelque part dans la
nature, entre les mains de révolutionnaires qui risquaient de
l’égorger en comprenant qu’ils s’étaient fait rouler sur la
marchandise.
Le portable d’Armand sonna
alors qu’il se demandait dans quel état il allait retrouver Amy.
Il le prit et, machinalement, regarda l’écran qui affichait les
numéros qui appelaient. Il resta un moment perplexe et regarda Clyde
et Harry.
– C’est le portable qu’on
a pris pour faire le coup. Celui que vous deviez utiliser pour ne
laisser aucun indice chez Amy.
– Je l’avais laissé sur le
tableau de bord, c’est vrai, dit Clyde.
Armand décrocha et répondit.
– T’es qui toi ? lui demanda
une voix à l’autre bout.
– Et vous ? Vous êtes qui ?
commença Armand.
– C’est quoi cette
entourloupe ? C’est pas ce qui était prévu, merde !
Armand comprit qu’il avait
affaire au gars qui avait piqué le fourgon à Harry et Clyde. Un
malencontreux quiproquo qui, s’il ne parvenait pas à faire une
négociation du tonnerre, allait coûter la vie à Amy.
– Écoutez, je ne sais
pas qui vous êtes, ce que vous comptez faire ne me regarde pas, je
veux juste récupérer ma femme.
– Elle est là ta femme !
– Comment puis-je en être sûr
? demanda Armand.
– Écoute ! Tu as mon fourgon
et moi le tien.
Silence à l’autre bout.
Armand pensa un instant que l’autre avait raccroché, qu’il ne
l’entendrait plus et que du même coup, il ne reverrait plus jamais
sa femme. Il pensa pire encore. Il pensa qu’il allait entendre un
coup de feu avant que la ligne ne soit coupée.
– Écoutez, le fourgon que
vous avez pris était à deux de mes amis, reprit Armand. Ce sont eux
qui ont ramené votre véhicule ici. Un type est venu vers eux pour
leur remettre les clés, et...
– Ça va, je m’en fous ! Ce
que je veux c’est récupérer mon bien.
– Parfait, c’est ce que je
veux aussi ! Que dois-je faire ?
– Tu vas retourner chez toi.
Je t’appelle dans une heure.
– Compris...
Armand voulut parler à Amy mais
on ne lui en laissa pas le temps. On raccrocha sans sommation. Il ne
savait pas pourquoi, mais il trouvait quelque chose de bizarre dans
tout ça. Quelque chose ne collait pas. Clyde et Harry qui se
faisaient piquer le fourgon et par chance, si on pouvait le dire
ainsi, laissaient un portable sur le tableau de bord. Un portable
dont le seul numéro qu’on pouvait appeler était le sien. Cet
oubli de Clyde allait peut-être sauver la vie d’Amy.
Armand retourna chez lui comme
indiqué par le gars au bout du fil. Harry et Clyde le suivirent avec
le fourgon. Ils firent attention de ne pas faire d’excès de
vitesse, histoire de ne pas attirer l’œil des flics, ça aurait
été le pompon.
En arrivant chez lui, Armand
s’effondra dans le canapé, posa le portable sur la petite table et
attendit. Il avait tout le temps du monde maintenant pour réaliser
la connerie qu’il avait faite.
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