mardi 15 novembre 2016

VI - … ira mal

Clyde et Harry se rendirent chez Armand qui fut étonné de les voir.
Vous avez fait quoi ? demanda Armand perplexe.
On a perdu le fourgon, répondit Harry, gêné.
Il y avait de quoi. Ils s’étaient fait piquer le fourgon dans lequel se trouvait Amy, la femme d’Armand, endormie au chloroforme. Ils ne savaient bien entendu pas où la retrouver, ni même s’ils allaient la retrouver.
Armand n’en croyait pas ses oreilles. Il les regardait, sans rien dire. Il ne savait pas quoi dire. Il pensa un instant que s’était une blague que Clyde avait mise sur pied.
C’était ça, ils voulaient lui faire une blague. Douteuse mais une blague quand même. Il comprit vite qu’il se faisait des idées. Harry et Clyde avaient réellement perdu le fourgon.
– Qu’est-ce qui s’est passé ? risqua-t-il.
Harry baissa la tête et raconta.

Rien ne s’est passé comme prévu. Si on t’avait appelé, c’était pour que tu puisses la faire sortir de la salle de gym. C’était pour éviter que l’on ait des témoins sur les bras. Quand on l’a vue sortir de la salle, on s’est dit que tu avais pu l’avoir au téléphone et que tu avais réussi à la convaincre de sortir plus tôt. En fait, elle était malade. Clyde l’a endormie au chloroforme, au moment où tu m’as appelé. Il l’a mise dans le fourgon et il est revenu me chercher. Quand on est sorti, le fourgon n’était plus là, on avait laissé les clés dessus. On a oublié de les retirer dans notre empressement.
On ne savait plus quoi faire quand un fourgon, pareil au notre ou presque, est arrivé. Il avait au moins la même couleur ! Un type est descendu et nous a regardé bizarrement. Il a jeté un œil inquiet autour de lui avant de venir vers nous. On ne savait pas quoi faire. Il nous a fait :
–  Vous êtes en avance ! On ne devait pas se croiser ! Tenez ! Les clés et faites gaffe !
Et là dessus il est parti à pied.

–  Et alors ? C’est quoi ce fourgon ? demanda Armand, pressé de savoir.
Clyde et Harry se regardèrent.
Tu ferais mieux de venir voir par toi-même, pas besoin d’en parler ici.
Ils se levèrent. Armand, ne sachant pas quoi penser, quoi dire, les suivit comme un zombie. Il ne savait pas comment réagir, s’il devait hurler de désespoir ou de colère. Il avait même envie de rire aussi, un rire nerveux qui voulait s’échapper de ses tripes.
Ils sortirent du bar où ils avaient leurs habitudes et se dirigèrent vers un fourgon blanc qui, hormis la plaque d’immatriculation, était pareil à celui qu’Harry avait pu dégoter afin de tenter le sauvetage du mariage d’Armand.
Harry ouvrit les portes arrières du véhicule en regardant un peu partout autour de lui.
À l’intérieur, s’amoncelaient des caisses. Armand les examina et regarda tour à tour Harry et Clyde.
– Elles sont remplies de flingues, lui expliqua Clyde.
Et ma femme ? demanda Armand.
Clyde et Harry baissèrent la tête. Armand venait d’hériter de quoi faire la révolution mais sa femme, celle qu’il avait voulu récupérer en mettant sur pied une action complètement démente, était quelque part dans la nature, entre les mains de révolutionnaires qui risquaient de l’égorger en comprenant qu’ils s’étaient fait rouler sur la marchandise.
Le portable d’Armand sonna alors qu’il se demandait dans quel état il allait retrouver Amy. Il le prit et, machinalement, regarda l’écran qui affichait les numéros qui appelaient. Il resta un moment perplexe et regarda Clyde et Harry.
C’est le portable qu’on a pris pour faire le coup. Celui que vous deviez utiliser pour ne laisser aucun indice chez Amy.
Je l’avais laissé sur le tableau de bord, c’est vrai, dit Clyde.
Armand décrocha et répondit.
T’es qui toi ? lui demanda une voix à l’autre bout.
Et vous ? Vous êtes qui ? commença Armand.
C’est quoi cette entourloupe ? C’est pas ce qui était prévu, merde !
Armand comprit qu’il avait affaire au gars qui avait piqué le fourgon à Harry et Clyde. Un malencontreux quiproquo qui, s’il ne parvenait pas à faire une négociation du tonnerre, allait coûter la vie à Amy.
– Écoutez, je ne sais pas qui vous êtes, ce que vous comptez faire ne me regarde pas, je veux juste récupérer ma femme.
Elle est là ta femme !
Comment puis-je en être sûr ? demanda Armand.
Écoute ! Tu as mon fourgon et moi le tien.
Silence à l’autre bout. Armand pensa un instant que l’autre avait raccroché, qu’il ne l’entendrait plus et que du même coup, il ne reverrait plus jamais sa femme. Il pensa pire encore. Il pensa qu’il allait entendre un coup de feu avant que la ligne ne soit coupée.
Écoutez, le fourgon que vous avez pris était à deux de mes amis, reprit Armand. Ce sont eux qui ont ramené votre véhicule ici. Un type est venu vers eux pour leur remettre les clés, et...
Ça va, je m’en fous ! Ce que je veux c’est récupérer mon bien.
Parfait, c’est ce que je veux aussi ! Que dois-je faire ?
Tu vas retourner chez toi. Je t’appelle dans une heure.
Compris...
Armand voulut parler à Amy mais on ne lui en laissa pas le temps. On raccrocha sans sommation. Il ne savait pas pourquoi, mais il trouvait quelque chose de bizarre dans tout ça. Quelque chose ne collait pas. Clyde et Harry qui se faisaient piquer le fourgon et par chance, si on pouvait le dire ainsi, laissaient un portable sur le tableau de bord. Un portable dont le seul numéro qu’on pouvait appeler était le sien. Cet oubli de Clyde allait peut-être sauver la vie d’Amy.
Armand retourna chez lui comme indiqué par le gars au bout du fil. Harry et Clyde le suivirent avec le fourgon. Ils firent attention de ne pas faire d’excès de vitesse, histoire de ne pas attirer l’œil des flics, ça aurait été le pompon.
En arrivant chez lui, Armand s’effondra dans le canapé, posa le portable sur la petite table et attendit. Il avait tout le temps du monde maintenant pour réaliser la connerie qu’il avait faite.

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