La
voiture était toujours garée sur le trottoir d’en face. Elle
n’avait pas bougé.
Il
l’avait repérée il y avait maintenant près d’une demi-heure.
Un
véhicule noir, aux vitres teintées pour pas que l’on puisse
reconnaître qui que ce soit à l’intérieur.
Le
gouvernement est donc si peu discret ? se dit-il. À
moins que ce soit pour m’intimider ? Ils veulent que je sache
qu’ils sont là.
Le
harcèlement psychologique était effectivement une des méthodes
utilisées pour pousser les gens dans leurs derniers retranchements ;
à savoir, le suicide. C’était une manière efficace de se
débarrasser des gêneurs sans se salir les mains.
Mais
il ne voulait pas en arriver là ; il ne leur ferait pas ce
plaisir. Il avait une mission à accomplir et il irait jusqu’au
bout.
Kuclang !
La petite sonnerie caractéristique de l’arrivée d’un mail avait
retenti quelques secondes après qu’il se soit dit que quelqu’un
allait justement lui écrire. Il se demandait toujours comment ces
intuitions étaient à chaque fois fondées. Comment faisait-il pour
savoir, pour deviner, que quelque chose allait se produire ?
Il
regarda encore quelques instants la voiture noire à travers les
persiennes tirées : bon moyen de voir sans être vu.
Il
revint ensuite à son bureau. Un pc portable, une bouteille d’eau,
un automatique et un chargeur posé à côté. C’était tout ce
dont il avait besoin.
Une
petite icône clignotait sur son écran. Un mail était bien arrivé
et attendait qu’il l’ouvre. Il cliqua sur la petite icône et une
page s’ouvrit.
De
: Deep Throat
(deepthroat@sapientia.fr)
Envoyé : dim. 15/03/09 12:20
À :
Mr. X (mrx@neoepoch.fr)
Désolé
pour ce retard mon ami.
Vous
disiez avoir du nouveau à me communiquer ! Je suis impatient de
savoir !
Est-ce
ce que l’on espère depuis tant de temps ?
Il aurait aimé envoyer de meilleures nouvelles en fait. Oui, il
attendait lui aussi une révélation capitale mais ce n’était pas
de cela qu’il allait parler dans sa réponse.
De
: Mr X
(mrx@neoepoch.fr)
Envoyé
: dim. 15/03/09 12:23
À : Deep Throat (deepthroat@sapientia.fr)
Malheureusement,
je ne viens pas vous confirmer ce que nous attendons.
Je
viens vous signaler qu’une étrange voiture noire attend en bas de
mon
immeuble,
en face. Je ne sais pas qui est à l’intérieur. Je n’ai vu
personne en
descendre
encore. Je pense qu’ils m’ont repéré. J’ai même peur que
notre
correspondance
soit surveillée.
Il appuya ensuite sur le bouton qui sert à envoyer le mail. Il
craignait que sa ligne soit sous surveillance mais au point où il en
était…
Il
retourna à la fenêtre et jeta un œil à travers ses persiennes. La
voiture était toujours là.
Qui
était-ce ? Est-ce qu’elle était vraiment là pour lui ?
Etait-il toujours en sécurité ?
Depuis
quelques mois maintenant, il avait pris pour habitude de changer
d’endroit tous les 15 jours environ. Il avait quasiment traversé
tout le pays.
Il
ne réglait ses achats ou sa chambre d’hôtel qu’en espèces. Il
était parti de chez lui, laissant femme et enfants, avec le peu
d’économies qui lui restait. Il avait de quoi tenir encore un bon
petit mois en s’en tenant au strict nécessaire ; à savoir :
une chambre d’hôtel abordable, de quoi se nourrir (exclusivement
de sandwich qui lui faisait parfois deux repas) et une ligne
Internet.
Il
avait des vêtements de rechange uniquement quand il se déplaçait
vers une nouvelle planque. Et à chaque fois, il changeait
d’apparence également. Fausse moustache, faux cheveux, fausses
lunettes… Il avait même réussi à se faire passer avec brio pour
un aveugle !
Quand
il changeait de vêtements, il lavait les anciens immédiatement pour
qu’ils soient prêts pour le voyage suivant. Jusqu’à présent,
il n’avait jamais eu à partir en catastrophe et priait souvent
pour que cela n’arrive pas.
Ce
n’était peut-être qu’un détail pour certains mais pour lui,
c’était primordial de ne pas traîner des fringues puant le phoque
derrière lui : rien de telle qu’une mauvaise odeur pour qu’on
se tourne vers vous. Il devait éviter de se faire remarquer d’une
quelconque façon que se soit.
Il
ne commandait donc jamais de pizza ou de plat prêt à livrer. Il se
déplaçait tout le temps. Sandwicherie de gare, Snake, Kebab, Fast
food, c’étaient des endroits parfaits pour trouver de la bouffe à
moindre coût sans se faire remarquer. D’autant que dans la plupart
de ces restaurants, on pouvait emporter son repas sous le bras.
Kuclang !
Il revint à
l’ordinateur pour ouvrir le nouveau mail qui était arrivé.
De
: Deep Throat
(deepthroat@sapientia.fr)
Envoyé
: dim. 15/03/09 12:35
À
: Mr. X (mrx@neoepoch.fr)
Aucun
risque que l’on trouve. Le logiciel que je vous ai fait parvenir
est un
bidouillage
de celui utilisé par les services secrets pour communiquer entre les
agences.
Le brouillage est si complexe que même ses propres services secrets
seraient
incapables de le décoder. Aucune crainte que l’on vous trouve !
Avez-vous
eu des nouvelles ?
Malgré cela, il n’était pas rassuré. Il avait une confiance
limitée en ces nouvelles technologies. Puisqu’elles avaient été
créées par l’homme, ce dernier était capable de les contrôler
dans le moindre détail.
Avant
de répondre, il alla jeter un œil par ses persiennes.
Le
décor n’avait pas changé. La voiture était toujours là.
De
: Mr X
(mrx@neoepoch.fr)
Envoyé
: dim. 15/03/09 12:38
À
: Deep Throat (deepthroat@sapientia.fr)
Non,
aucune nouvelle pour le moment. Le paquet devrait me parvenir dans la
journée
mais je n’ai aucune idée de l’heure exacte. Mon contact tient à
tout faire
au
dernier moment, y compris de décider de la rencontre. Je sais juste
que ça
aura
lieu aujourd’hui et dans ma chambre d’hôtel. C’était la seule
condition que
je
lui ai imposée et il a bien voulu l’accepter.
Je
me demande d’ailleurs si cette voiture en face de chez moi n’est
pas là pour
repérer
les lieux afin que mon contact sache dans quoi il met les pieds…
Il eut juste le temps de se lever pour constater pour la énième
fois que la voiture était bien garée en face de chez lui. Une peur
insondable naissait au creux de son estomac.
Kuclang !
De
: Deep Throat
(deepthroat@sapientia.fr)
Envoyé : dim. 15/03/09 12:39
À
: Mr. X (mrx@neoepoch.fr)
N’ayez
crainte mon ami ! S’ils savaient où vous êtes, il y a
longtemps qu’ils
vous
seraient tombés dessus.
Ce n’était pas faux. Mais que faisait-il de ce harcèlement
psychologique ? Et si le gouvernement ne voulait pas se
contenter de lui seul ? S’il voulait aussi alpaguer ses
contacts ?
Deep
Throat était peut-être en danger lui aussi ! Mais comment
en être sûr ?
Il
alla encore une fois à la fenêtre. C’était devenu machinal. Il
n’était pas tranquille s’il n’allait pas jeter un œil à
travers les persiennes.
Seulement
cette fois-ci, les choses changèrent. Si bien qu’il ne réagit pas
tout de suite à ce qu’il voyait.
Deux
hommes en costume noir sortaient du restaurant italien sur le
trottoir d’en face. Ils montèrent dans la voiture, démarrèrent
et s’en allèrent en faisant crisser les pneus.
Se
fut un immense soulagement. Même démasqués, des agents secrets
seraient repartis tranquillement.
De
: Mr X
(mrx@neoepoch.fr)
Envoyé
: dim. 15/03/09 12:46
À
: Deep Throat (deepthroat@sapientia.fr)
La
voiture vient de partir. Et vu comme elle a vidé les lieux, je ne
pense pas que
c’étaient
des agents secrets ! Je suis soulagé.
Pour le coup, il but un peu d’eau. Il n’aimait pas vraiment boire
de cette flotte qu’il tirait directement du robinet. Il avait
décidé de faire des économies sur les bouteilles d’eau minérale.
Mais l’eau plate était dégueulasse. Il lui était déjà arrivé
de passer la nuit sur les chiottes à cause de tout ce qu’elle
pouvait contenir comme saloperies !
Un
jour, alors qu’elle était chargée d’eau de javel (désinfection
et prévention anti-terroriste à ce qu’il paraîtrait), il pensa
même qu’il allait entièrement se désinfecter les tripes.
Quand
il reposa la bouteille, il eut la soudaine envie de sortir pour
appeler chez lui.
Les
petites devaient être en train de manger avec leur maman en ce
moment.
Il
avait bien précisé à Marilyne de ne jamais tenter de le retrouver
et de ne jamais chercher à le joindre d’une quelconque manière.
Ça
lui avait déchiré le cœur de devoir les laisser seules toutes les
trois ; mais il avait longuement réfléchi et avait conclu que
ses filles ne devaient pas grandir dans un monde aussi hypocrite et
mensonger. Sa mission était alors de tout faire pour qu’éclate la
vérité. Le monde devait savoir.
Kuclang !
De
: Deep Throat
(deepthroat@sapientia.fr)
Envoyé : dim. 15/03/09 12:48
À
: Mr. X (mrx@neoepoch.fr)
Me
voilà rassuré aussi, bien que j’étais persuadé qu’il ne
pouvait s’agir d’agents
secrets.
C’était son lot quotidien. Depuis qu’il avait entamé cette
quête, il vivait continuellement dans la peur. Celle de voir sa vie
s’achever sans qu’il ait pu atteindre son but ; celle de
voir ses convictions balayées par une preuve irréfutable ;
celle de voir qu’il avait tout laissé derrière lui avec pour seul
objectif d’améliorer un peu ce monde mais en vain.
Il
avait peur d’être suivi, d’être surveillé, d’être épié.
Il avait peur qu’on vienne lui dérober tout ce qu’il avait pu
amasser comme documents depuis qu’il avait quitté l’armée. Il
avait photocopié des centaines de rapports, mis sa vie – et celle
des siens – en danger en faisant cela et alors qu’il était près
de l’ultime vérité, il sentait que le sol se dérobait sous ses
pieds. Il craignait que l’on vienne lui arracher son dernier espoir
de voir une vérité éclater, une vérité qui allait changer bien
des choses.
Une
vérité qui viendrait peut-être tout faire basculer d’ailleurs,
au plus profond des fondements de la vie.
Il
ne put s’empêcher de regarder encore à travers ses persiennes. La
rue était déserte. La chaleur avait fait rentrer chez eux tous ceux
qui, d’ordinaire, traînaient.
Il
observait souvent ces badauds qui attendaient que le temps passe, se
demandant de quoi ils pouvaient bien parler.
Lui,
dans sa chambre, il détenait certains secrets que ces gens-là ne
soupçonnaient pas. Ils étaient engoncés dans leur vie monotone où
la plus grosse affaire d’Etat était une facture d’électricité
exorbitante alors qu’autour d’eux, à chaque seconde, se jouait
le sort de l’humanité toute entière.
Ils
ignoraient tout encore ou s’intéressaient si peu à cette vie, ce
simulacre. Ils ne regardaient que des ombres, des fantômes et
construisaient leur existence sur des fondements aussi fins qu’une
feuille de papier d’aluminium. À aucun instant ils ne
soupçonnaient que tout ce qui faisait leur vie n’était que du
vent.
Il
ressentait une certaine puissance à être le seul à savoir, le seul
à connaître cette fragilité existentielle. Rien qu’avec cela, il
pouvait faire plier n’importe quel gouvernement. Il pourrait
presque devenir un Dieu vivant.
Et
à cette idée, il eut un soudain recul ; comme si sa conscience
venait de lui mettre une gifle pour qu’il retombe un peu sur terre.
Tu
détiens un secret important, c’est indéniable, mais il reste déjà
à confirmer et ensuite, tu ne devras pas t’en servir autrement que
pour ouvrir les yeux du monde !
Il
eut honte de ce désir de puissance.
Bien
entendu qu’il avait toujours œuvré pour servir le monde et non
ses propres intérêts. Il voulait que la vérité éclate et pas une
stèle à sa gloire. Il ne demandait même pas que l’Histoire se
souvienne de son nom ! Il voulait juste donner la preuve ultime,
celle que tout scientifique cherchait.
Kuclang !
De
: Deep Throat
(deepthroat@sapientia.fr)
Envoyé : dim. 15/03/09 13:18
À
: Mr. X (mrx@neoepoch.fr)
J’ai
pensé que cela pouvait vous intéresser.
Au mail, il trouva une pièce jointe qu’il ouvrit.
C’était
un article de presse scanné qui faisait état de « la mort
étrange d’un officier de police ».
« Un
policier décédé dans des circonstances étranges.
Thomas
Aeillo, officier de police, serait décédé ce matin à l’Hôpital
Ste Augustine des suites d’une maladie causée par une infection.
Cependant, les médecins sont incapables de donner les causes exactes
du décès.
“Mr.
Aeillo a été admis il y a trois jours pour une forte fièvre et des
douleurs lombaires. Il aura fallu quelques jours seulement pour qu’il
soit terrassé par une infection généralisée dont on ne peut
expliquer la cause”, admet le médecin qui s’est occupé de son
cas, le Dr Bartoli.
L’officier
Aeillo avait été admis quelques semaines plus tôt pour un furoncle
sous l’aisselle gauche qui a été soigné rapidement et
efficacement. Il ne semble pas que ce furoncle soit à l’origine de
l’infection fulgurante qui a emporté Thomas Aeillo.
Ce
qui étonne encore plus le corps médical, c’est que ce n’est pas
une infection qui a terrassé l’officier Aeillo mais trois !
Chose qui, actuellement, semble impossible pour les médecins.
“Non !
Jamais trois infections ont pu être décelées en même temps dans
un organisme.” Confirme le Dr Bartoli. “Et si tel avait été le
cas, nous aurions pu en soigner au moins deux.”
À
l’heure actuelle, personne ne semble pouvoir donner de réponses
claires à cette simple question : qu’est-ce qui a tué
l’officier Thomas Aeillo ? »
Kuclang !
De
: Deep Throat
(deepthroat@sapientia.fr)
Envoyé : dim. 15/03/09 13:25
À
: Mr. X (mrx@neoepoch.fr)
Avez-vous
lu cet article ? Cela ne vous rappelle rien ?
Ça lui rappelait quelque chose en effet. Entre les lignes de cet
article qui ne parlait que d’une mort étrange, il voyait un
événement capital, qui confirmait certaines théories et
l’enfonçait encore un peu plus dans ses propres convictions.
Il
se rappelait d’une affaire qui avait fait le tour du monde en 1997
et dont personne ne se souvenait plus ou presque, mis à part les
acharnés dans son genre ; ceux qui relevaient la moindre trace
suspecte ; ceux qui tendaient l’oreille et qui ouvraient les
yeux ; ceux qui… lisaient entre les lignes !
De
: Mr X
(mrx@neoepoch.fr)
Envoyé
: dim. 15/03/09 13:26
L’affaire
Varginha en 1997.
Il écrivit uniquement cela. Son
correspondant connaissait cette histoire sur le bout des doigts,
sinon, il ne lui aurait jamais envoyé cet article.
L’affaire avait débuté
exactement en avril 1997 alors qu’un appareil non identifié se
crashait en bordure de la petite ville brésilienne : Varginha,
d’où le nom de cette affaire.
Des extraterrestres
occupant le vaisseau avaient été traqués par l’armée
brésilienne avant que l’armée américaine ne vienne en renfort.
Depuis le crash de Roswell en 1947, il s’agissait là de l’affaire
la plus incroyable que le monde ufologique ait connu.
L’un des faits les plus graves de
l’affaire Varginha fut la mort camouflée du caporal Mario Eli
Chereze des services secrets de la police militaire brésilienne.
Ce dernier avait
participé à la traque et à la capture de l’une des créatures
qu’il aurait malencontreusement touchée sans ses gants de
protection.
L’officier Chereze
avait vu un furoncle pousser sous son aisselle ; furoncle qui
fut soigné rapidement et efficacement.
26 jours plus tard, il
décédait d’une infection généralisée. Infection qui l’emporta
en trois jours seulement.
Ces faits ne devaient
jamais arriver aux oreilles de la populace. L’armée avait tout
fait pour les dissimuler, allant jusqu’à soutenir que l’officier
Chereze n’était pas de service la nuit où la chasse aux E.T.
avait été ouverte.
En ce qui concernait le
cas Aeillo, il semblait que les événements concordaient en tout
point. D’abord un furoncle soigné, une infection ou plutôt trois
en même temps ! Chose si rare, voire improbable, que même les
médecins se retrouvent impuissants face au mal fulgurant qui détruit
l’organisme.
Tout portait à croire
que d’autres extraterrestres avaient été repérés et traqués
sans qu’aucune précaution ne soit prise cette fois-ci. Dans quel
but ?
Depuis qu’il enquêtait
sur le phénomène E.T., il avait déniché des centaines d’affaires
impliquant une menace extraterrestre. Crash, enlèvements,
observations, il avait quasiment tout vu, tout entendu. Et là, en
l’espace d’un peu plus de dix ans, deux affaires étroitement
similaires survenaient !
C’était justement
cette similitude qui l’inquiétait. Tous ces points communs !
Cela relevait-il d’une simple coïncidence ?
Il fallait avouer que
pour le cas Aeillo, on ne parlait pas de chasse aux extraterrestres.
En avait-on besoin ? Non, si on se contentait de la politique de
l’autruche en bandant les yeux de la population.
Mais si l’envie réelle
de préparer cette même population à l’existence d’une autre
forme de vie était bien là, pourquoi cacher un tel événement ?
Il était clair qu’un
ou plusieurs petits gris étaient encore de la partie. Il était
clair également que l’on ne voulait pas que ça se sache. Le plus
important était que lui sache, qu’il ait pu lire entre
les lignes.
Si tout se passait comme il en avait
la conviction, si ce qu’on devait lui amener était bien ce qu’il
espérait, alors la face du monde allait changer. C’était
irrémédiable.
Il ne manquait qu’une
preuve, une seule, pour que tout bascule ; et il allait
l’obtenir. Il était proche désormais. Jamais il n’avait été
si près du but. Peut-être même qu’il était le premier à
arriver aussi loin depuis près d’un demi-siècle durant lequel
toute affaire d’extraterrestres était cachée au grand public.
Il fallait qu’il se reprenne ! Toute cette
agitation, cette impatience, lui donnait le tournis et lui faisait
imaginer tout et n’importe quoi !
Il n’était pas le seul à avoir entrepris cette
croisade désespérée. Bien d’autres avant lui avaient essayé et
beaucoup y avaient laissé leur peau. Les quelques survivants qu’il
y avait étaient désormais enfermés, à l’abri des regards,
complètement coupés du monde, parqués comme des animaux. En
d’autres termes, ils n’existaient plus !
Kuclang !
De
: Deep Throat
(deepthroat@sapientia.fr)
Envoyé : dim. 15/03/09 14:02
À
: Mr. X (mrx@neoepoch.fr)
Le
temps passe et je ne tiens plus en place ! Votre informateur
joue sur nos
nerfs,
là ! J’espère que vous avez confiance en lui…
De
: Mr X
(mrx@neoepoch.fr)
Envoyé
: dim. 15/03/09 14:03
J’ai
toute confiance en lui, ne vous inquiétez pas. Ce n’est pas la
première fois
que
je traite avec lui et jusqu’à présent, je n’ai jamais été
déçu. Au contraire, j’ai
toujours
eu plus que ce à quoi je m’attendais.
Il comprenait cette impatience. Lui-même sentait que son cerveau
allait fondre et lui couler des oreilles tellement il avait
hâte. Il avait d’ailleurs commencé à faire les cent pas ;
quand il s’asseyait pour répondre à son interlocuteur, sa jambe
gauche faisait inconsciemment des bonds rapides, se dressant sur la
pointe des pieds. Il savait que quand il en arrivait là, cela
signifiait qu’il était prêt à exploser. Mais il savait que ça
n’était rien comparé au moment où il recevrait la confirmation
de l’arrivée de la preuve ultime.
Kuclang !
De
: Deep Throat
(deepthroat@sapientia.fr)
Envoyé : dim. 15/03/09 14:08
À : Mr. X
(mrx@neoepoch.fr)
Encore faut-il
que ce qu’il ait à nous apprendre nous fasse avancer !
De
: Mr X
(mrx@neoepoch.fr)
Envoyé
: dim. 15/03/09 14:10
Il m’a dit, en
ces termes, que ce qu’il avait à m’offrir était ce que nous
attendions
tous depuis près de 50 ans: une preuve ultime et irréfutable.
Car c’était tout ce qui manquait à ce dossier : une preuve
de l’existence d’êtres venus d’ailleurs. Tout au long de ses
propres recherches, de ses propres découvertes, il avait compris que
dans ce domaine rien n’était acquis, rien n’était facile.
Chaque indice devenait une preuve indirecte, toujours infirmée
judicieusement par la partie adverse, celle qui refuse tout
changement. Chaque hypothèse était boudée, anéantie, tuée dans
l’œuf. Le pire dans tout cela était que si l’existence d’êtres
extraterrestres n’avait pu être prouvée, la non-existence en
était au même point.
De
ce capharnaüm, il ne ressortait que des questions sans réponse et
de la frustration.
Seuls
ceux qui gardaient encore de l’espoir parvenaient à avancer,
allant de mirages en mirages, s’accrochant à leurs convictions.
Combien
de fois lui-même s’était retrouvé désillusionné, abattu, à
genoux, pour se voir repartir le lendemain traquer les signes.
Kuclang !
Quand il revint vers son ordinateur, il croyait lire un message de
son correspondant habituel, l’unique personne avec qui il gardait
un contact sécurisé. Si bien que quand il ouvrit le mail qu’on
lui envoyait, il fut perdu durant quelques secondes, ne sachant pas
qui pouvait lui écrire.
Il
n’y avait qu’une seule ligne : « Je suis chez vous
dans 9 minutes. »
9
minutes. Qui pouvait être aussi précis ? Qui pouvait bien
régler son emploi du temps à la seconde près ?
Il
sentit son cœur battre fortement dans sa poitrine, se demandant
presque pourquoi. Son esprit réagit enfin et il fut soudainement
submergé par une vague étrange et puissante qui faillit lui faire
perdre connaissance.
Il
comprit alors qu’il était à 9 minutes (un peu moins maintenant)
de son but ultime ; ce pour quoi il avait laissé toute sa vie
derrière lui. Sa quête allait prendre fin et une nouvelle ère
allait commencer.
Si
jusqu’à présent le temps paraissait long sous cette chaleur
accablante, ces 9 minutes là lui parurent une éternité. Il
commençait à tourner en rond. Il n’eut même pas l’idée de
prévenir le fameux Deep throat.
Il
regardait sa montre toutes les minutes. Pour vérifier si elle
n’était pas déréglée, il regardait l’heure de son ordinateur.
Quand il avait tout contrôlé, il recommençait, imperturbable.
Sa
gorge se desséchait mais à aucun moment il n’eut la présence
d’esprit de boire un peu d’eau.
Les
secondes défilaient lentement, la chaleur était étouffante et il
perdait patience, souriant bêtement à l’idée que son destin
allait s’accomplir. On ferait de lui un libérateur, à n’en pas
douter !
On
frappa à la porte. Deux coups sourds et secs.
Il
se figea net et jeta un œil à sa montre. Les 9 minutes
étaient-elles passées ? Il n’en savait rien.
Il
s’avança vers la porte et regarda à travers le judas.
Manifestement, la personne de l’autre côté ne tenait pas à ce
qu’on l’observe et avait obstrué l’œilleton.
Il
déverrouilla la porte et l’entrebâilla lentement.
Un
homme élancé vêtu d’un vieux jeans et d’un t-shirt sale
attendait sur le pas de la porte. Il portait ce genre de lunettes
noires à travers lesquelles on ne pouvait voir les yeux.
–
X ? demanda-t-il simplement.
Il
ne se laissa pas prier et fit entrer l’inconnu. Il s’était
maintes fois demandé à quoi pouvait ressembler cet informateur,
celui qui avait la preuve ultime ; car s’il avait déjà
travaillé avec lui, jamais il ne l’avait rencontré en personne.
L’inconnu
ne parla pas, il se dirigea vers la fenêtre pour regarder à
l’extérieur. Puis il inspecta la chambre.
X
le laissa faire, sans rien dire pour le rassurer, cela n’aurait
servi à rien de toute façon.
Quand
l’inconnu eut vérifié qu’il ne risquait rien, il s’avança
vers X en sortant une enveloppe kraft de son veston pour la lui
tendre.
Il
attendit que X ouvre l’enveloppe pour voir ce qu’elle contenait.
C’était
une feuille transparente rigide. Le genre de film que l’on met sur
les rétroprojecteurs.
Dessus,
se dessinaient des capsules dans toutes les nuances de gris qui
pouvait exister.
X
regarda l’inconnu, quelque peu déçu.
–
Une séquence ADN, dit l’inconnu.
–
Je sais, je vois. Seulement, je ne sais pas déchiffrer cela !
Qu’est-ce qu’elle a de mieux que n’importe quelle autre
séquence ADN ?
–
Elle n’est répertoriée nulle part, répondit simplement
l’inconnu.
X
commençait alors à comprendre. Pourtant, son informateur crut bon
de préciser :
–
Elle n’appartient à rien de connu sur cette planète. Ce n’est
pas un être humain, un animal, un mammifère, une plante, un insecte
ou que sais-je encore ! Vous comprenez ?
–
Oui, répondit X médusé, comme perdu dans ses pensées.
Il
se rendait maintenant compte de ce qu’il tenait dans la main.
–
Comment fait-on pour prouver que cette séquence est authentique ?
demanda-t-il soudain.
L’inconnu
devait attendre cette question. Il plongea à nouveau sa main dans
son veston et en sortit une petite fiole qu’il lança à X.
Le
petit tube contenait une sorte d’huile noire, très épaisse. X
l’examina, la tourna et la retourna. Le liquide ne s’accrochait
pas à la paroi du tube : il retombait au fond sans laisser
aucune trace.
De
l’huile noire ?
Du
pétrole ?
Qu’est-ce
que je vais bien pouvoir faire de… pensa X.
Il
regarda alors l’inconnu qui acquiesça.
–
Vous tenez là le seul échantillon qui existe. Je vous déconseille
d’ouvrir le tube, c’est hautement toxique et ça vous tuerait en
un rien de temps. Des hommes sont morts pour cette capsule de sang
extraterrestre ! Vous trouverez sûrement un scientifique
capable d’extraire une séquence de ce sang. Vous aurez alors votre
authenticité.
X
examina encore une fois le liquide noir à travers le tube. Il ne
réalisait pas encore complètement ce qu’il tenait.
C’était
donc LA preuve ultime ?
–
Le chemin à parcourir est encore long, continua l’inconnu. Faites
très attention à vous. Ce tube sème la mort autour de lui, ne vous
croyez pas à l’abri !
Sans
rien ajouter, il sortit. La porte se referma sur lui. X était
toujours hypnotisé par sa petite fiole. Au bout de quelques minutes,
il se décida à bouger.
De
: Mr X
(mrx@neoepoch.fr)
Envoyé
: dim. 15/03/09 15:16
Jamais vous ne
devinerez ce que j’ai entre les mains?
Toutes ces années
à chercher, à me cacher, à échapper à toute sorte de
groupuscules…
Tous mes sacrifices vont enfin payer !
Je l’ai !
J’ai LA preuve ultime ! Il me reste à la faire authentifier
et ensuite je
pourrai faire
éclater la vérité au grand jour ! Tout le monde saura. Le
monde
doit savoir !
Trois coups puissants contre la porte le firent sursauter. Il se
retourna brusquement. Sa porte était fermée mais l’avait-il
verrouillée ?
–
Police ! Ouvrez ! L’immeuble est cerné !
Il
se précipita vers sa fenêtre et constata à travers ses persiennes
qu’une meute de flics attendait en bas et sur le trottoir d’en
face. Il n’avait rien entendu, rien vu, pas même l’éclat des
gyrophares.
Il
posa alors les yeux sur l’arme posée sur son bureau. À côté, il
y avait le petit tube, son Saint Graal.
Le
liquide noir qu’il contenait semblait danser.
Il
prit son arme et vérifia qu’elle était chargée. S’il était
pris, on ne lui donnerait jamais l’opportunité de révéler la
vérité.
Il
s’empressa de ranger la fiole d’huile noire dans la poche
intérieure de sa veste et coinça l’enveloppe avec le cliché ADN
dans sa ceinture.
Il
s’approcha lentement de la porte et regarda une nouvelle fois par
le judas.
Ce
n’était pas un bluff. Deux flics patientaient, arme à la main,
dans le couloir.
Il
ne pouvait pas s’enfuir par une fenêtre. L’immeuble était cerné
et le toit devait être surveillé aussi. Sa seule issue était cette
porte.
Quand
il conclut cela, une évidence s’imposa à lui dans le même temps.
Il
regarda alors dans l’œilleton après avoir recalculé ses chances.
Comme la conclusion restait identique, il plaqua sans faire de bruit
le canon de son arme contre la porte en bois.
L’immeuble
était délabré, les portes vieilles, voire pourries ; une
balle n’aurait aucun mal à passer au travers.
Il
devait être à bonne hauteur. Le flic, de l’autre côté, s’avança
à nouveau pour faire une autre sommation, certainement la dernière.
Ce
fut à peine s’il entendit la détonation qui lui emporta la tête.
________________
De
: Mr X
(mrx@neoepoch.fr)
Envoyé
: dim. 15/03/09 15:16
Jamais vous ne
devinerez ce que j’ai entre les mains?
Toutes ces années
à chercher, à me cacher, à échapper à toute sorte de
groupuscules…
Tous mes sacrifices vont enfin payer !
Je l’ai !
J’ai LA preuve ultime ! Il me reste à la faire authentifier
et ensuite je
pourrai faire
éclater la vérité au grand jour ! Tout le monde saura. Le
monde
doit savoir !
Celui qui se nommait Deep Throat regardait le message avec
anxiété. Il y avait de quoi être inquiet.
Il
était bientôt 15h45 et il n’avait aucune nouvelle. Une demi-heure
était bien plus que suffisante pour régler le problème. On aurait
dû le prévenir depuis un bon quart d’heure au moins ! Alors
que s’était-il passé ?
Le
téléphone de son bureau sonna. Il décrocha mais ne se présenta
pas.
–
C’est réglé, dit une voix à l’autre bout.
–
Tout ? Vous n’avez rien oublié ?
–
Un agent de police a été tué mais notre homme a ensuite été
abattu. L’ordinateur a été confisqué, le cliché a été brûlé
et le tube placé en sécurité vous savez où. Demain, on lira dans
les journaux qu’un forcené a tué un policier alors que celui-ci
procédait à son interpellation. Le forcené était en fait connu
des services de police pour des actions terroristes.
–
Ce sera parfait ! Je vais informer Milton que tout est sous
contrôle.
–
Bien. Enfin… dommage pour ce flic.
–
On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs.
Là
dessus il raccrocha, se leva et se dirigea vers le bureau de Milton,
un homme imposant qui ne souriait jamais.
Il
attendit qu’on lui fasse signe d’entrer à travers la porte
vitrée pour s’avancer et se posta au garde à vous.
–
L’affaire X est conclue et rondement menée avec le concours de la
police, dit-il. Nous avons récupéré la fiole et détruit le
cliché.
–
Bien ! Et ce mystérieux informateur ? Comment se fait-il
qu’il ait eu cette fiole entre les mains ?
–
Je pense qu’il était de la maison ; ou alors il connaissait
quelqu’un pouvant avoir accès aux archives. J’ai demandé une
enquête et tout devrait être résolu dans la semaine qui vient.
Milton
se contenta d’acquiescer. Si cette affaire avait été menée de
main de maître, il ne fallait pas s’attendre à des
félicitations : jamais ses services n’auraient eu à se
compromettre si les choses s’étaient passées correctement dès le
départ.
Il
avait parfois l’impression de n’être qu’un vulgaire plombier
tout juste bon à colmater les fuites.
Il
fit signe à son agent qu’il pouvait disposer.
Une
fois la porte de son bureau refermée, Milton prit le combiné de son
téléphone et y fixa un petit appareil au niveau de l’émetteur.
Il ne composa aucun numéro.
–
Mr Le Président, dit-il simplement.
Il
attendit encore quelques secondes :
–
Mr Le Président. C’est réglé. Il ne nous reste qu’à découvrir
qui a fait sortir cette preuve de nos archives mais ça ne devrait
pas être long. J’ai un homme tout désigné pour servir de bouc
émissaire.
–
…
–
À votre service, Mr Le Président. Mais à l’avenir, si l’envie
vous prend de brûler les étapes, faites-le moi savoir. Je sais
comment freiner vos élans. Suis-je clair ? Merci, Mr Le
Président !
Et
il raccrocha.
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