Avant
que la pièce ne soit baignée d’une intense lumière blanche, qui
lui arracha les yeux, et que le son du match de hockey ne soit
couvert par le ronflement puissant des réacteurs du véhicule de
police qui venait de stopper en face de sa fenêtre, Gabriel ne
pensait à rien. Il ne pensait même pas recevoir la visite de la
police à dire vrai. Elle avait lieu deux fois par mois pour les gens
de son espèce, ceux des quartiers peu fréquentables, les quartiers
des anciens détenus. La première était passée depuis quelques
jours seulement. Il reconnaissait être un peu à la masse en ce
moment mais de là à oublier le passage des corbeaux, certainement
pas ! Alors une seule solution : il avait fait une
connerie. Encore lui fallait-il savoir laquelle.
On
le somma d’ouvrir sa fenêtre et de lever les mains. Cette habitude
de demander à mettre les mains en l’air ne provenait pas de ces
vieux films ringards du 20ème ou 21ème
siècle. Dans ces films, les flics disaient un truc du genre « Mains
en l’air » et le brigand de les lever en stoppant sa fuite
vers une potentielle liberté. Aujourd’hui, les poulets ne
s’embarrassaient pas avec des sommations à la noix. Ils tiraient.
C’était aussi simple que cela. Au criminel de se démerder pour
être plus rapide que la balle qui le coursait. Toujours est-il qu’il
devait mettre les mains en l’air afin que l’on enregistre ses
empreintes et que l’on confirme que c’était bien lui que l’on
recherchait.
Gabriel
se leva, encore embrumé par le pack de bières qu’il venait de
descendre. Il appuya sur un petit bouton à côté de la fenêtre
teintée qui s’ouvrit. Gabriel allait encore souffrir le martyre,
comme à chaque visite. Se prendre les phares surpuissants en pleine
figure relevait d’un défi permanent. Surtout qu’il devait garder
les yeux ouverts et il ne supportait pas ça. En plus d’être
dérangé devant son match de hockey, on allait lui examiner le
cerveau ! Un simple rayon lirait sa cervelle comme le lecteur laser
d’antan lisait un compact disc. Qu’avait-il fait bordel ?
Le rayon laser bleu turquoise passa devant ses mains pour s’assurer
que les coyotes ne se plantaient pas de gibier. Un second laser, vert
cette fois, passa devant ses yeux. Ça durait deux secondes ;
mais durant ces deux misérables secondes, son cerveau était fouillé
de fond en comble. Il se sentait violé en quelque sorte. Puis le
véhicule de police plongea. La lumière disparut subitement et les
réacteurs moururent dans les bruits peu rassurants du quartier des
anciens détenus. Gabriel n’en fut qu’à moitié rassuré. Il
n’avait plus de laser dans la gueule… c’était déjà cela.
Mais il pensa à ce que cette visite surprise voulait dire. Son
esprit fit vite le tour de la question. Un abruti quelconque avait
enfreint la loi et c’était lui qui était sorti gagnant parmi tous
ceux capables de perpétrer le crime. Un inspecteur allait maintenant
fouiner le scan de son cerveau pour recouper les informations qu’il
avait déjà. Gabriel n’avait rien à craindre puisqu’il n’avait
rien fait. C’était juste une saloperie d’ordinateur qui avait
chauffé plus que de raison et qui avait pioché son nom comme au
loto.
Gabriel
était tranquille. Il se remit devant son match.
L’inspecteur
Crane courait après son chef dans le couloir du commissariat. Il
portait des dossiers qui manquèrent plusieurs fois de tomber alors
qu’il se frayait un chemin parmi ses collègues peinant à
justifier leur salaire. Il parvint tout de même à rattraper le chef
Wydoom. Crane ressemblait plus à un clochard avec sa chemise à
moitié ouverte, sa cravate pendante et sa barbe de trois jours.
– Chef,
j’ai besoin d’une autorisation d’enquête sur le n°8406.
Wydoom
sembla réfléchir. Manifestement, il ne savait pas de quoi parlait
son subordonné. Ce qui lui arrivait relativement souvent vu la tonne
de dossiers qu’il devait répercuter sur tous les inspecteurs de sa
section.
– 8406
? demanda-t-il après quelques secondes de vaines fouilles dans son
cerveau.
–
Gabriel.
–
Et pour quelle raison
demandez-vous une enquête ? voulut-il savoir sans pour autant avoir
raccroché tous les wagons.
–
Il a été scanné hier mais les
résultats ne sont pas probants.
Wydoom
réfléchit à nouveau. La lumière vint plus rapidement.
– Oui,
je me souviens ! J’ai eu les résultats moi aussi. Crane, nous
avons scanné les cinq suspects potentiels que l’ordinateur nous a
craché et cela n’a rien donné ! Ils ont tous un alibi valable.
–
Quatre d’entre eux seulement !
L’enregistrement du 8406 n’a absolument rien donné en fait. Rien
qui puisse confirmer ou infirmer l’accusation. C’est comme si une
partie de sa mémoire avait disparu.
–
Ils ne peuvent pas
volontairement refouler des souvenirs sans qu’on puisse les
retrouver.
–
Je sais ! C’est pour cela que
je demande une enquête plus approfondie. Ce n’est pas normal que
nous n’ayons rien trouvé. C’est le trou noir là dedans !
Wydoom
considéra Crane un moment. L’inspecteur aussi savait scanner les
gens, à sa manière. Il lisait dans les yeux. Dans ceux de Crane, il
ne devait voir qu’une détermination modérée. S’il voyait du
fanatisme à surveiller un ancien détenu, Wydoom n’autoriserait
aucune enquête.
– Très
bien ! Mais avant tout, vérifiez la fiabilité du test.
–
Personne n’en a réchappé
jusqu’à présent.
–
Justement ! Si vos craintes se
confirment, quelqu’un en aura trouvé le moyen. Vérifiez avant de
mener votre enquête !
Crane
se contenta d’acquiescer et de regarder son chef s’éloigner en
direction de la machine à eau. Il faisait une chaleur moite et
étouffante dans les bureaux. Même à l’extérieur c’était
intenable. Le ciel était chargé de nuages noirs et lourds. Le ciel
était toujours chargé de nuages noirs et lourds. Le soleil
n’avait pas percés depuis des années. Ce qui rendait les gens
irritables et maussades. Aujourd’hui, il pleuvait à verse mais
cela ne suffisait pas à rafraîchir l’air. L’atmosphère était
lourde, oppressante et elle mettait tout le monde mal à l’aise.
L’appartement
de Gabriel était à cent douze étages au dessus du sol. Et
au-dessus du sien, il y en avait encore un bon paquet. L’ascenseur
qui lui permettait de rejoindre la jungle urbaine mettait très peu
de temps pour descendre. Gabriel pensait que ça pourrait être un
bon moyen de se débarrasser de la racaille comme lui.
« L’ascenseur
ne s’est pas arrêté », dirait un badaud ou un flic à la
rigueur.
Et
lui finirait comme une crêpe à moitié déchiquetée par les éclats
de verre et de métal. Au moins, il en aurait fini avec cette vie d’
« ancien détenu relâché pour bonne conduite ». Il se
prit à penser que sa vie en prison était plus agréable, plus
libre.
Il
chassa cette idée quand il reçut les premières gouttes de pluie.
Il remonta le col de son imper crade et bouffé par les mites et prit
la ruelle sur sa droite. Il entendait le vrombissement lointain des
véhicules volant au-dessus de lui. Il s’imagina alors au volant
d’une de ces bagnoles volantes, sentant la liberté, la puissance
entre ses doigts. Il sourit en comprenant l’absurdité de cette
idée. Déjà, il n’aurait jamais l’occasion d’avoir un engin
pareil, son statut social le lui interdisait. Ensuite, il pourrait en
voler une mais cela augurait plusieurs désagréments. Primo, s’il
s’en sortait, il finirait le restant de ses jours en prison et ça,
il ne le souhaitait pas. Secundo, le seul moyen de voler un engin
était quand il était actionné, c’est à dire pendant qu’il
volait. Les voitures ne restaient pas en stationnement dans les rues
ou sur un parking. Elles étaient prises en charge par un système
robotique qui les parquait sous la ville.
En
effaçant l’être humain de ce système, il était impossible de
gruger les machines qui restaient seuls gardiennes des parkings
souterrains. Une garde parfaite, un système de sécurité
infaillible. Le seul qui avait voulu tenter de piquer une voiture
n’avait pas eu le temps de poser un pied dans la zone de parcage
qu’il était grillé au laser. Et d’après ce qu’il avait
entendu dire, le dernier à avoir tenté l’escamotage en plein vol
s’était retrouvé encastré dans le bitume. Il était si amoché
que les flics avaient dû le ramasser avec une serpillière. De toute
façon, Gabriel ne voulait pas satisfaire les flics avec une traque
suivie d’un passage à tabac où ils s’en donneraient sûrement à
cœur joie. Il n’était pas ce genre de voleur. Lui, il excellait
dans le vol d’objets d’art, des richesses familiales. Il n’avait
jamais cambriolé une banque. Ça ne servait à rien puisque
l’établissement ne gardait plus rien dans les coffres. Il
regrettait ne pas avoir vécu au début du siècle où les voleurs
pouvaient encore faire parler leur relative intelligence et en mettre
plein la vue avec le « casse du siècle ».
Il
faisait cela pour survivre, plus que pour vivre. Le vol ne rapportait
plus grand-chose maintenant. Sauf s’il s’agissait de dérober la
cargaison de dope du gros dealer du coin afin de mettre un bordel
monstrueux au sein des différents clans criminels de la ville. Ça
lui était déjà arrivé de participer à ce genre de choses.
C’était à cause d’un coup comme celui-là qu’il en avait pris
pour dix ans. Libéré au bout de sept (« pour bonne
conduite », quelle blague !), il voulait rester tranquille
durant un moment, se faire oublier. Raté en ce qui concernait les
hirondelles.
– Alors
? Big T, tu en penses quoi ?
La
voix était caverneuse et portait un soupçon d’enivrement. Gabriel
crut tout d’abord qu’on s’adressait à un type derrière
lui qu’il n’aurait pas remarqué. Il ne connaissait pas de « Big
Ti » ou « Big Tea », peu importait l’orthographe.
Mais visiblement, c’était bien à lui que s’adressait la
question. Le clochard, à moitié affalé dans ses cartons, le
regardait, satisfait.
– Je
vous demande pardon, c’est à moi que vous parlez ?
–
Bien sûr bougre de bougre que
c’est à toi que je parle ! T’es venu me voir l’autre soir pour
un rendez-vous avec Big T !
Gabriel
ne comprenait pas. Il n’avait jamais vu ce clodo de sa vie. Il ne
connaissait pas plus le Big T en question.
– Vous
m’avez vu quand ?
Le
gueux le regarda d’un air stupide.
– Tu
carbures à quoi, mon gars ? T’es venu me voir, il y a deux jours
de ça ! Tu voulais voir Big T !
Gabriel
réfléchit un instant. Rien, trou noir.
– Je
ne me rappelle pas vous avoir vu, dit-il, perdu dans ses pensées.
–
Ben mon gars, c’est d’la
bonne qu’tu t’enfiles !
–
Et... ce Big T... je peux le
voir à nouveau ?
Le
clochard se leva et s’éloigna, titubant, en faisant un geste de la
main en direction de Gabriel, pour lui dire de laisser tomber.
Gabriel pensa rêver. Un trimard lui disait qu’ils s’étaient vus
deux jours auparavant, qu’il lui avait arrangé un rendez-vous avec
Big T et là dessus, la police débarquait chez lui pour une
vérification. Et Gabriel ne se souvenait de rien. Il n’avait pas
beaucoup de ressources pour trouver qui était ce Big T. Il était
même sûr que ce type n’était pas net, pas net du tout. Il lui
restait cependant une porte de sortie. Il devait aller voir son amie
de toujours et grand informateur des escrocs de la ville, Galima.
– Non,
impossible que l’ordinateur se soit trompé. S’il a sorti ce
fichier c’est qu’il s’agissait bien d’un suspect potentiel,
dit l’homme en blouse blanche et petites lunettes à l’inspecteur
Crane.
–
Et quant aux données analysées
? demanda Crane.
–
Impossible non plus qu’elles
aient été falsifiées ou altérées. Elles sont vérifiées trois
fois de suite pour éviter les erreurs et authentifier leur
provenance.
–
Comment se fait-il dans ce cas
que l’un des suspects n’ait absolument rien en mémoire pour ce
qui nous intéresse ? Peut-il bloquer sa mémoire et nous
empêcher d’y accéder ?
–
Impossible. Toute chose même
refoulée est enregistrée par le scanner.
–
Pas d’altération possible au
moment de l’enregistrement ?
–
Vous savez ce que cela
signifierait inspecteur ?
Crane
secoua la tête négativement.
– Lobotomie
du sujet. On touche à la racine même du souvenir et c’est
irrémédiable si ça se passe mal.
–
Il a quand même une chance de
s’en sortir alors ?
Le
scientifique regarda Crane par dessus ses lunettes comme si
l’inspecteur était le dernier des imbéciles. De toute évidence,
le flic ne connaissait aucune des répercussions qui s’appliquaient
au bidouillage de cerveau.
– Je
ne connais personne qui s’en soit sorti, inspecteur...
Crane
ne dit rien. De toute façon, il s’en foutait. Si c’était là
son dernier recours pour connaître la vérité, il n’hésiterait
pas une seconde à faire passer le n°8406 à la trappe. Encore
fallait-il convaincre ses supérieurs. Il avait entendu parler de
cette expérience une fois mais se demandait s’il s’agissait de
fabulations dont l’unique but était de créer la suspicion lors
des votes de budgets ou s’il s’agissait de choses bien réelles.
Au regard du scientifique, il pensa que tout n’était pas si irréel
que cela. Mais après tout, il s’agissait de criminels qui avaient
enfreint la loi et qui avaient mis la vie d’innocents en danger.
Qui irait se soucier de leur sort ? Certainement pas lui. Crane se
rendit au service des filatures pour connaître le trajet qu’avait
effectué le n°8406 il y avait deux nuits de cela. Ils devaient bien
avoir cela sur leurs vidéos numériques.
– Ah
! Vous en avez de bonnes, inspecteur ! Je ne sais même pas pourquoi
ils maintiennent ce service en activité si ce n’est pour récolter
les infos dans le crâne de ces pauvres malades ! lui cracha le
chef de service, Noland.
Crane
regardait les écrans qui abondaient dans la salle. Pas un
n’affichait une image digne de ce nom.
– La
pluie ? demanda-t-il.
–
Interférences sur les ondes en
effet ! Et encore, aujourd’hui, on a de la chance et c’est la
première fois ce mois-ci ! On ne peut plus rien pister ni personne !
On ne fait qu’envoyer des patrouilles quand l’ordinateur nous
sort des noms. Et notre boulot s’arrête quand on a acheminé le
disque au labo des analyses.
Il
tapota sur l’épaule de Crane qui regardait les écrans,
impuissant.
– Vous
savez ce qu’on trouve parfois dans les analyses des citrons
décongelés ?
Crane
le regarda, quelque peu étonné.
– Vous
avez accès aux analyses ?
Le
service des analyses des données rapportées par les patrouilles
était strictement confidentiel et réservé à une poignée d’élus.
Mais il existait toujours quelques débrouillards pour contourner les
interdits.
– Mon
beau-frère y bosse ! Il me laisse entrer quelquefois, quand il le
peut. Alors un jour j’ai vu ce qu’avait fait un pauvre type qui a
fini sa vie en cabane. Il avait découpé sa femme et sa petite fille
de 5 ans en petits morceaux. Il en avait donné une pleine gamelle à
son chien avant de mettre le reste dans le congélo ! Et quand on l’a
interrogé sur le pourquoi de son geste, vous savez ce qu’il a
répondu ?
Crane
fixa Noland et hocha négativement la tête.
– Que
la gamine pleurait, ce qui l’empêchait de suivre son match à la
télé et que sa femme était conne au lit !
Verdict :
enfermé pour démence, pensa Crane.
Encore
un type interné, reconnu inconscient de son acte. S’il avait été
sur cette affaire, ce gars aurait avoué être pleinement conscient.
Il aurait même admis la préméditation, jusqu’au numéro de la
lame de scie nécessaire pour découper la petite.
– Pour
il y a deux nuits, vous n’avez rien alors ? risqua Crane.
–
On peut toujours regarder.
Noland
tapota sur un clavier et une série de chiffres incompréhensibles
pour Crane apparut sur un écran.
– Non,
rien ! Il avait plu à verse ce soir-là. Plus que d’habitude.
Crane
soupira. Il savait que les données scannées sur le n°8406
n’étaient pas bonnes dans la mesure où elles ne révélaient même
pas la présence d’un souvenir. Or, même si 8406 n’avait fait
que dormir ce soir là, il y aurait eu au moins la trace d’un rêve
ou d’une activité cérébrale.
Comme
il n’avait absolument aucune indication, pas un indice,
l’inspecteur Crane n’avait plus qu’une seule chose à faire :
retrouver le 8406 et l’interroger… à sa manière.
Galima
était une femme sensuelle, cheveux longs impeccables, noir d’ébène
et toujours lisses. Gabriel s’était toujours demandé comment elle
faisait pour ne pas péter les plombs devant les mille et un mâles
en chaleur qui la courtisaient jour et nuit. Elle avait de l’aplomb.
Sa haute taille fine accrue par des talons hauts impressionnait.
C’est peut-être cela qui intimidait ces types qui ne réclamaient
rien d’autre qu’un petit moment de câlins. Galima, elle, visait
autre chose. Elle ne se considérait pas comme un morceau de viande.
Elle estimait être en droit d’attendre plus de la part de ces
crétins écervelés qui ne voulaient que dégorger le poireau à la
première occasion. Comme elle ne pouvait rien en attendre d’autre,
elle les traitait comme il se devait : s’ils insistaient, elle
faisait intervenir Virgil et Andréas, deux gros balaises chargés de
sa protection. Et sûr que Galima était bien protégée entre eux
deux. Une fois, un gars – un tantinet entreprenant – avait voulu
griller les étapes. Il s’était retrouvé dans la rue, sous la
flotte, presque à poil, un testicule dans une main, une bobine de
fil à coudre dans l’autre, en train de hurler comme une truie
après l’ablation sans anesthésie. Andréas avait pensé que
Virgil avait un tout petit peu exagéré sur cette action.
Désormais, on savait à quoi s’en tenir. La mésaventure du
testicule avait fait le tour du club de Galima, avec son lot de
« petits-rajouts-qui-le-font-bien », comme à chaque fois
qu’une rumeur était lancée.
Gabriel,
à l’opposé de pas mal d’autres demandeurs, n’avait jamais de
soucis pour entrer dans le club. Il pouvait se permettre de passer
devant tout le monde. Parfois cela allait plus loin, comme ce soir :
il se faisait carrément escorter par Virgil ou Andréas, tout
dépendait de qui était de garde à la porte. Ce soir, c’était au
tour d’Andréas de jouer les physionomistes. Virgil se chargeait
donc de le conduire auprès de Galima, dans sa suite privée aux
vitres teintées, au-dessus du club. Elle fut heureuse de voir
Gabriel. Elle se sentait bien avec lui. Il l’avait à plusieurs
reprises dépannée quand on lui volait ses biens. Gabriel, en
échange de quelques renseignements, récupérait les objets volés
et s’arrangeait pour que les voleurs sachent à qui ils avaient
dérobé ce qu’il ne fallait pas. Galima invita Gabriel à
s’asseoir et lui tendit une flûte de champagne. Il ne refusa pas
ce grand cru interdit qui lui fit le plus grand bien.
– Dis-moi
Galima. Connais-tu un certain Big T ? lui demanda-t-il ensuite.
Galima
le fixa en fronçant les sourcils. Ce nom manifestait d’étranges
réactions. Si pour le clochard, Gabriel avait vu l’admiration
briller dans des yeux ténébreux et explosés à l’alcool, dans
ceux de Galima, magnifiques amandes noires, il lisait de la crainte,
voire de la peur.
– Pourquoi
veux-tu savoir ?
Gabriel
haussa les épaules. Il prit l’air innocent, décontracté tout en
sachant que ce genre d’attitude ne bernerait pas la jeune femme.
Elle venait de sentir quelque chose. Quelque chose de pas bon. Pas
bon du tout.
– Ceux
qui ont vu Big T ne se souviennent pas de lui ou n’ont jamais
rejoint le monde des vivants, continua-t-elle. Tu as rencontré Big T
?
–
Je ne sais pas en fait. Des
flics sont venus pour un scan. Ce n’était pas une visite mensuelle
et là dessus, je rencontre un clodo qui me demande si j’ai été
satisfait de Big T.
Galima
remplit à nouveau de champagne les deux flûtes posées sur la
petite table devant eux. C’était confirmé : elle était
réellement inquiète. Mais peut-être pas pour elle. Il avait dû
croiser un type qu’il ne fallait pas.
– Big
T est un caïd, dit alors Galima. Il règne en maître sur la ville.
Il ne sort jamais de chez lui et travaille avec des commissionnaires.
Il donne aussi bien dans le trafic d’armes et de drogue que dans le
trafic de bébés, d’organes et la prostitution. Certains disent
qu’il œuvre également pour l’esclavage de certaines
femmes « impropres à la prostitution ».
–
Et qu’est-ce que j’aurais à
voir avec ce type ?
–
Je sais qu’il permet aux
criminels de s’évader de prison quand il a besoin de main d’œuvre.
Il fait des faveurs à ceux qui sont relâchés pour bonne conduite.
–
Quelle genre de faveurs ?
Galima
resta silencieuse quelques secondes. Gabriel l’implora du regard.
– Il
a le moyen d’éviter que les flics ne scannent certaines parties du
cerveau. Ainsi, ils ne trouvent rien s’ils ont des soupçons sur un
ancien détenu. Y a-t-il quelque chose dont tu ne te souviennes pas ?
Gabriel
regarda Galima avant de baisser la tête.
– Si
tu es allé voir Big T, s’empressa de dire Galima en voyant la tête
de Gabriel, c’est qu’il y a une bonne raison ! Ne tente pas de te
souvenir ce que tu voulais oublier ou cacher aux flics.
C’était
évident. Cela dit, il y avait un os dans l’histoire. Les flics
verraient qu’il y avait un trou noir au beau milieu de son cerveau.
Et ça, c’était comme quand on posait une question évidente à
quelqu’un : le fait que ce dernier ne réponde pas nous donnait en
fin de compte la réponse dont on avait besoin. Un manque dans le
cerveau de Gabriel le désignait comme suspect numéro un. Ce qui le
faisait flipper, c’était qu’il ne savait pas de quoi il était
suspecté.
Quand
il eut fini de grimper les escaliers qui le menèrent au cent
douzième étage de son immeuble – parce que l’ascenseur était
en panne ou bloqué par il ne savait quoi – il eut la surprise de
voir l’inspecteur Crane sur le pas de sa porte. Il comprit alors
pourquoi l’ascenseur était « HS ». Le flic l’avait
crevé à monter ces marches. Comme cela, s’il voulait s’enfuir,
il se retrouverait assez rapidement en panne d’énergie, même si
sa détermination à semer les perdreaux était colossale. Il se
demandait ce que le flic faisait ici, bien qu’il ait quelques
hypothèses à formuler. Et la plus évidente était celle de ce trou
noir dans sa base de données personnelle. Il ouvrit sa porte sans se
soucier de Crane qui souriait d’un air satisfait. Certainement à
cause de son coup de génie en mettant les ascenseurs en panne.
Monter cent douze étages à pied était une épreuve de force
redoutable et le flic riait de sa propre connerie.
– Que
me voulez-vous, inspecteur ?
–
Je veux savoir.
–
Savoir quoi ?
Gabriel
entra dans son appartement et se dirigea aussitôt vers le
réfrigérateur d’où il sortit une bière. Il n’en proposa pas à
l’inspecteur, il ne voyait pas pourquoi il le ferait, mais il eut
la très désagréable impression que se serait la dernière qu’il
boirait. Il laissa couler le breuvage le long de son œsophage et
sentit toute la fraîcheur du liquide envahir son corps. Le flic,
lui, faisait la gueule. Manifestement pas très heureux de voir son
suspect s’enfiler une bibine, de ne pas lui en proposer une et
surtout de faire comme s’il n’existait pas.
– Nous
avons analysé le scan. Nous n’y avons rien trouvé, commença le
flic.
–
Parfait ! Alors qu’est-ce que
vous me voulez ?
–
Nous n’y avons strictement
rien trouvé ! Pas la moindre trace d’activités cérébrales !
Comme si ton cerveau était déconnecté, mort durant une période de
ta vie. Durant deux jours pour être exact.
–
Et alors ? Ça vous gêne tant
que ça ?
–
Quelqu’un s’est introduit
dans le bureau du responsable financier de la ville. Et l’ordinateur
a sorti les cinq noms parmi ceux qui sont capables de faire un coup
aussi tordu.
Le
responsable financier de la ville était Greg Hamilton. Gabriel le
connaissait plutôt bien : Greg avait été le petit ami de sa
sœur, Lydia. Il ne pouvait l’encaisser d’ailleurs. Ses airs
supérieurs, cette façon de dire et de montrer quel homme important
il était alors qu’il ne faisait rien d’autre que se goinfrer du
malheur des pauvres gens, mettaient Gabriel hors de lui. Ce qui le
soulageait – un tant soit peu – c’est que sa sœur ne voulait
plus le voir depuis qu’il avait été emprisonné : il n’avait
plus à supporter la tête de fouine de Greg. Gabriel avait appris
que le couple de sa sœur était parti en sucette pour une raison
qu’il ignorait encore. Cela dit, il s’en moquait : il était
rassuré de savoir que c’était terminé entre eux. Au moins, sa
frangine n’aurait pas à payer les frasques de cet escroc notoire
et n’aurait pas à supporter ses sarcasmes à longueur de journée.
Cependant, s’il avait perdu deux jours de sa vie dans les méandres
de son cerveau, se pourrait-il que la personne qui s’était
introduite dans le bureau de Greg La Fouine soit en fait lui,
Gabriel, le n°8406 ? Crane l’observait, enregistrant la moindre
réaction de son suspect qui aurait pu le trahir.
– Qu’est-ce
que cette personne a fait dans ce bureau ? demanda Gabriel.
–
Justement ! Rien ! Elle n’a
rien volé malgré les objets de valeur qui s’y trouvaient.
–
Et qu’est-ce que j’ai à
voir avec ça, moi ?
–
Tu es le seul à ne pas avoir de
véritable alibi. Nous n’avons rien trouvé sur cette soirée et
ça, c’est inconcevable. Inacceptable.
L’inspecteur
allait lui déverser tous les synonymes possibles, ce qui commençait
à agacer Gabriel. Il but une autre gorgée de bière d’un air
indifférent. Crane péta les plombs comme tout bon policier dont on
se foutait de la gueule et qui n’arrivait pas à obtenir ce qu’il
voulait. De toute manière, Gabriel ne pouvait rien dire, il ne
savait rien. Lui même aurait donné beaucoup pour comprendre ce
qu’il en était exactement. Il en eut l’occasion :
l’inspecteur l’embarqua. Ils descendirent tous les deux, par
l’ascenseur que Crane avait rétabli. Ils allèrent au commissariat
où Gabriel dut attendre deux bonnes heures. Deux heures durant
lesquelles Crane se battit corps et âme pour obtenir l’autorisation
de faire une opération des plus dangereuses : le retour forcé de
souvenirs refoulés au plus profond d’un cerveau humain. Une
opération qui pouvait se solder par une lobotomie du sujet.
– Nous
allons regarder dans la partie résiduelle du cerveau, celle où les
souvenirs dérangeants sont refoulés, dit le médecin à
l’inspecteur Crane. Nous allons toucher les racines mêmes. Est-ce
que vous avez la décharge signée de vos supérieurs ?
Crane
lui tendit un papier que le médecin vérifia avant de le poser sur
un bureau, à l’écart.
– Nous
en avons pour environ une heure. Je vous demanderai de quitter la
pièce s’il vous plaît : nous vous appellerons lorsque nous
aurons terminé.
Crane
jeta un œil sur le médecin, puis sur Gabriel qui était allongé et
endormi sur une table d’opération. L’inspecteur sortit en
espérant qu’il obtiendrait les informations dont il avait besoin.
Au
bout d’un peu plus d’une heure et de quelques cafés amers tirés
de la machine poisseuse du couloir, Crane vit le médecin sortir de
son bloc, la mine fatiguée et quelque peu déconfite. Crane espérait
que le toubib ait pu trouver ce qu’il cherchait. L’homme en
blouse blanche s’avança vers lui.
– Nous
avons trouvé un souvenir refoulé. Du moins, c’est ce que nous
avons cru avant de nous apercevoir qu’il s’agissait en fait d’une
partie bloquée du cerveau. Une opération très délicate qui
consiste à isoler un ou plusieurs souvenirs afin qu’ils échappent
aux lasers des patrouilles de visite aux anciens détenus. J’ai
entendu parler de ces pratiques dangereuses et illégales.
–
D’accord mais qu’avez-vous
récupéré ? s’empressa de demander Crane.
Le
médecin marqua une courte pause avant de continuer.
–
Nous avons isolé un fichier.
Vous pouvez venir le consulter.
Ils
entrèrent tous deux dans la salle où se tenait Gabriel, encore
endormi. Crane ne lui jeta pas un seul regard. Il se concentrait sur
le moniteur qui allait lui donner les informations dont il avait
besoin.
– Vous
ne voulez pas savoir ce qu’il advient du n°8406 ? demanda le
médecin après quelques secondes d’hésitation.
–
C’est un détenu qui a,
semble-t-il, enfreint la loi. Il ne peut avoir que ce qu’il
mérite...
–
Il n’a malheureusement pas
supporté l’opération, inspecteur.
Crane
se tourna vers le toubib. Il n’était pas inquiet mais surpris.
– Il
est mort ? demanda-t-il.
–
Pire que cela ! Il est
lobotomisé.
Crane
fixa le toubib durant quelques instants puis revint sur l’écran.
Si 8406 était lobotomisé, au moins, il ne ferait plus parler de lui
et ne tenterait pas de refaire ses sales coups pour emmerder les
services de police. C’était un homme dangereux qui venait d’être
mis hors circuit. Crane en ressentait une certaine satisfaction.
– Faites-moi
voir ce fichier.
Le
médecin s’exécuta. Pas la peine de tenter de réveiller le côté
humain du glaçon qu’il avait à ses côtés. Il avait fait son
boulot. Un pauvre type en avait perdu le cerveau. Il espérait
seulement que ce qu’il avait trouvé valait vraiment la peine de
sacrifier une vie, même celle d’un détenu. Des images
commencèrent à défiler sur l’écran. Elles étaient floues,
rapides, incohérentes. Crane avait l’impression de se
retrouver devant un puzzle immense où toutes les pièces pouvaient
s’imbriquer parfaitement les unes aux autres sans pour autant
donner un ensemble homogène.
Soudainement,
il crut voir quelque chose et demanda un retour pour avoir
confirmation. En effet, il venait bien de voir le responsable des
finances de la ville accompagné d’une jeune femme. Qu’est-ce que
cela faisait dans la tête du 8406 ? Peut-être qu’un peu plus
loin, il découvrirait que c’était ce même 8406 l’invité
mystère dans le bureau de Greg Hamilton. Alors il comprendrait qu’il
puisse avoir ce résidu dans ses souvenirs. C’était un voleur
professionnel et ce genre d’individu observait longuement sa proie
avant de passer à l’action. Ce qu’il ne comprenait pas c’était
que ce souvenir semblait se focaliser sur la jeune femme plus que sur
Greg Hamilton. Il laissa le reste défiler pour en arriver à la
partie la plus intéressante. 8406 avait bien rendu visite à Greg
Hamilton, à son insu, il y avait deux jours de cela. Il était dans
le bureau et prenait des photos de documents. Crane ne pouvait voir
de quels documents il s’agissait. Gabriel semblait avoir entendu
quelque chose parce qu’il se précipitait pour remettre tout en
place et se planquer dans un coin sombre de la pièce. C’est alors
qu’Hamilton entrait en compagnie d’un homme imposant, une armoire
à glace. Crane n’en crut pas ses yeux quand il reconnut le fameux
Big T. Cet homme, connu de tous, ne sortait jamais de chez lui.
L’exception qui confirmait la règle en quelque sorte. Les deux
hommes semblaient bien s’entendre. Ils signaient des papiers et se
serraient la main. Crane venait de mettre le doigt sur quelque chose
de brûlant. Il avait une nouvelle piste de travail. La fin du
souvenir était une visite chez Big T avant que tout ne devienne
noir. Crane comprenait pourquoi il y avait un manque dans les
souvenirs du n°8406. Big T lui avait effacé une partie de sa
mémoire, en particulier la visite de l’ex-détenu chez lui.
L’inspecteur devait maintenant retrouver l’appareil photo du
8406.
Le
lendemain matin, Lydia, la sœur de Gabriel, recevait la visite d’une
certaine Galima, venue apporter une enveloppe.
– C’est
de la part de votre frère. Il m’a dit que vous n’êtes pas en
très bons termes mais il a insisté pour que vous lisiez sa lettre,
avait-elle dit.
Là
dessus, elle était repartie sans même dire au revoir. Intriguée,
Lydia avait ouvert l’enveloppe pour trouver une lettre de son frère
et un petit appareil photo avec une carte mémoire à usage unique.
On téléchargeait les données sur un ordinateur et la carte était
automatiquement verrouillée et inutilisable.
Lydia.
Si
tu reçois cette lettre, cela signifie que je ne suis plus, de
quelque façon que ce soit.
Il
se peut que tu reçoives la visite de la police, probablement celle
de l’inspecteur Crane, qui voudra à tout prix récupérer
l’appareil photo. Ne fais rien pour l’en empêcher, au contraire,
donne-le lui mais ne lui parle pas de cette lettre. Et s’il te
demande qui t’a remis tout ça, ne dis rien. Je pourrais te dire ce
qu’il y a sur la carte mémoire mais tu ne me croirais pas. Je vais
te laisser le découvrir toute seule. Avec un peu de chance, il sera
encore temps de bien faire.
J’ai
appris que tu t’étais remise avec ce Hamilton. Je ne sais pas
comment tout cela va se terminer mais j’espère juste que tu sauras
faire le bon choix. Sache que tout ce que j’ai fait ici, je ne l’ai
fait que pour toi.
Ton
frère, Gabriel.
Ça
n’avait pas raté. L’après-midi même, l’inspecteur Crane
venait voir Lydia. Il avait dit que Gabriel lui avait parlé d’un
certain appareil photo que Lydia aurait en sa possession. Elle ne se
fit pas prier pour le lui remettre bien qu’elle ne sache ce qu’elle
faisait ou pourquoi elle le faisait. Elle ne savait pas pourquoi son
frère – avec qui elle n’avait eu aucun contact depuis près de
dix ans – lui avait envoyé cela. Elle ne comprenait pas encore le
sens de cette lettre non plus. Rien que des blancs qu’elle ne
demandait qu’à combler.
Des
blancs qui allaient être remplis par Crane lui même. Il découvrit
sur les photos tout un tas de contrats concernant des pactes passés
entre Hamilton et ce fameux Big T. Il savait que le bonhomme trempait
dans pas mal de coups foireux comme la drogue, la prostitution,
trafics en tous genres et Hamilton passait des accords secrets pour
faire fructifier les comptes de la ville en s’appuyant sur les
commerces de Big T. Le politicien avait tout mis sur papier écrit à
main levée, comme ça se faisait à une époque si lointaine, afin
de ne laisser aucune trace sur un ordinateur qui gardait absolument
tout en mémoire même après que l’on a vidé la corbeille. Un
papier pouvait vite disparaître, être brûlé.
Il
n’en fallut pas plus pour que les supérieurs de Crane demandent
une enquête. Le bureau d’Hamilton fut pris d’assaut par
policiers et inspecteurs accompagnés de quelques élus de la ville.
Ils ne mirent pas longtemps à le mettre à l’écart. Apprenant les
malversations de son futur mari, Lydia le quitta. Elle comprit alors
tout le sens de la dernière lettre de son frère.
Big
T, quant à lui, ne voulut pas se rendre quand les autorités
débarquèrent chez lui. La soirée se termina dans un bain de sang,
un cataclysme phénoménal, pendant lequel la police perdit pas mal
d’hommes avant d’abattre Big T, retranché dans sa salle de
billard privée.
Crane
s’avança dans le couloir, accompagné du médecin traitant qui
avait réalisé l’opération sur Gabriel. Ils s’arrêtèrent
devant une porte. Tout était calme et silencieux alentour. Un
silence qui faisait froid dans le dos. Un silence de mort. À travers
la petite lucarne découpée dans la porte, ils regardèrent Gabriel,
assis sur une chaise. Il avait la tête penchée sur le côté et
bavait.
Crane
ressentit de la pitié. Cet homme avait eu des informations pour
faire tomber une pomme pourrie de son arbre et n’avait rien dit. Il
avait attendu que l’on vienne le chercher. Il avait certainement
prévu son coup longtemps à l’avance. Il avait su comment cela se
terminerait. Il avait rassemblé les preuves contre Greg Hamilton,
les avait planquées et s’était fait effacer la mémoire par Big
T. La seule chose qu’il n’avait pas prévue était de fouiner
dans sa propre mémoire, à la recherche d’un souvenir qu’il ne
devait pas retrouver. Quelque part, l’inspecteur Crane avait pris
les devants. Qu’en aurait-il été autrement ?
– Pourquoi
n’a-t-il rien dit avant ? s’interrogea Crane sans se rendre
compte qu’il parlait à haute voix.
–
L’auriez-vous seulement écouté
inspecteur ? lui demanda le médecin.
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