La mine d’Armand, quand il
arriva au bar, était pire que celle de la veille. Harry et Clyde
comprirent qu’un simple repas aux chandelles ne suffirait plus. Ils
réalisèrent que la situation était grave, voire désespérée. Ils
surent que c’était la fin.
– Allez, elle reviendra,
lui dit Harry pour lui remonter le moral.
– Non, cette fois c’est bien
terminé, trancha Armand.
– Tu es sûr de n’avoir
aucun moyen pour la faire revenir ? demanda Clyde.
– L’espoir. Mais vous ne
connaissez pas Amy. Quand elle dit quelque chose, pas la peine
d’essayer de la faire changer d’avis. Vous ne feriez que vous
enfoncer encore plus !
Le serveur arriva et déposa un
demi devant Armand. Ils ne lui avaient rien demandé cependant.
Armand secoua la tête.
– Un verre d’eau, ça
m’ira.
Harry en lâcha son verre. Clyde
éclaboussa la moitié de la table avec son Snake Byte dont il
était en train de boire une gorgée. Le serveur ne savait que faire.
Il était complètement paralysé. Il ne savait même plus ce dont il
avait besoin pour nettoyer le rejet de Clyde ; pire, il ne savait pas
s’il devait le nettoyer.
Tous trois regardèrent Armand,
plongé dans ses pensées. Le serveur jeta un œil sur Clyde qui
acquiesça, comme s’il lui demandait la permission de servir le
verre d’eau qu’on lui réclamait. Il fit demi tour et revint
quelques minutes plus tard avec le verre non alcoolisé et une éponge
pour nettoyer le Snake qui commençait déjà à coller sur la
table.
– Eh ! Mon gars !
Ressaisis-toi ! Je sais ce que c’est que de voir sa gonzesse se
tirer ! Surtout pour une raison débile ! lui dit Clyde.
– Je me suis ramené à deux
heures du mat, plein comme une outre. J’ai gerbé dans le plumard !
expliqua Armand.
– Amy était là ? questionna
Harry. À ton réveil, je veux dire...
– Non, elle était déjà
partie chez son père. Elle avait appelé son frangin pour me monter
au plume.
– La grosse baraque ?
– Précisément !
Il y eut un silence. Un silence
gêné. Plus personne ne trouvait quoi dire pour remonter le moral
d’Armand. Il était vraiment au trente-sixième dessous. Plus bas
que terre. Il avait cherché cela après tout. Mais était-ce une
raison pour le laisser tomber ? Combien de fois Amy le lui avait-elle
dit ? Combien de fois l’avait-elle prévenu ? Lui, ne faisait rien,
il buvait quelques verres de temps à autre. Il revenait légèrement
fait. La biture de la veille n’était vraiment qu’une exception.
L’exception qui avait fait déborder le vase. Le point de non
retour avait été atteint et il avait perdu un être cher, pour
quelques verres de plus. C’était vraiment con. Vraiment con de sa
part.
– Un enlèvement ! lâcha
soudainement Harry.
Ils le regardèrent.
– Tu dis ? demanda
Clyde.
– Un enlèvement ! On
prépare un faux enlèvement et tu vas la secourir pour lui montrer
ton amour.
Armand regardait Harry. Il ne
savait pas s’il devait le prendre au sérieux, rire ou pleurer. Il
ne savait plus où il en était, il ne fallait pas le bousculer.
– Tu as quoi dans ton verre
toi ? interrogea Clyde.
– Quoi ? Tu crois que je suis
débile ?
– Pas du tout !
– Si, tu le crois ! Tu me
regardes comme si j’étais un débile mental !
– Je me demande juste ce que
tu bois ! Parce que visiblement, tu as les fils qui se touchent ! Non
mais sans blague ! Un enlèvement ! Et comment tu le fais ton
enlèvement ?
Nouveau silence. Armand avait
posé son menton sur ses poings. Il regardait devant lui et donnait
l’impression que ses potes n’existaient pas à ce moment-là.
– Elle ne vous connaît
pas ! Elle ne vous a jamais vus. Elle a juste entendu parler de vous,
dit-il alors.
Clyde regarda Armand, étonné.
Harry sourit.
– Tu es fondu toi aussi !
C’est l’eau qui te rend comme ça ! Mais vous êtes allumés du
citron, ma parole !
Armand se redressa sur la
banquette. Ils virent une lueur d’espoir dans ses yeux. Une
étincelle avait jailli. Harry avait eu une idée de génie. Il se
tourna vers lui.
– Tu envisages les choses
comment ? demanda-t-il, subitement intéressé par l’idée de
l’informaticien.
– Tu connais ses petites
habitudes. On fait en sorte de la kidnapper, je ne sais pas comment
encore, tout dépendra de ce que tu as à nous dire sur son emploi du
temps. Clyde et moi, on se charge de tout. On t’appelle et tu
remues ciel et terre pour la retrouver. Tu la retrouves, vous vous
faites des papouilles et vous avez plein de bébés en coulant des
jours heureux jusqu’à la fin de votre vie !
– Petit malin ! coupa Clyde.
Et pourquoi on irait l’enlever, elle ? Regarde ce pauvre Armand !
Il est juste commercial dans un magasin de chaussures ! Qu’est-ce
qu’on va aller kidnapper la femme d’un commercial de pompes à la
con ?
Armand regarda Clyde. Il n’avait
pas tort. Il trouvait juste le terme commercial de pompes à la
con un peu fort.
– Et la police ? demanda
Armand.
– Quoi la police ? répondit
Harry. Ils ne seront au courant de rien puisque s’ils le sont, on
bute ta femme ! Donc, la police est hors course. On se fait ça
entre nous les gars ! C’est pas méchant !
– Moi je ne la connais pas la
donzelle ! Et si elle nous met des bâtons dans les roues ? Si ça
tourne mal et que les flics débarquent ! On se retrouve au trou !
– J’ai confiance en vous les
gars, dit Armand avec un sourire.
– Ça me rassure ma biche !
lâcha Clyde.
– J’ai besoin de toi sur
cette action, Clyde, intervint Harry.
Armand fixait Clyde. Il devait
prendre des yeux implorant comme les cockers parce que le regard de
Clyde changea. De la colère, il passa par différentes phases le
menant à la compassion. Il lâchait le morceau. Il secouait la tête.
– Merde ! Ok ! Pour
Armand ! Mais on a intérêt à ce qu’il soit super bien huilé ton
plan, le petit sorcier ! Parce qu’il est hors de question que je me
retrouve en cabane pour sauver le mariage d’un pote !
Armand souriait. À la fois
excité par ce qu’ils allaient entreprendre et émerveillé par le
risque qu’allaient prendre ses amis pour lui. Seulement Clyde avait
raison. Il fallait un plan parfaitement huilé, histoire de ne courir
aucun risque.
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