samedi 15 octobre 2016

04 - Interlude

Le vieux Talbert mangeait depuis longtemps les pissenlits par la racine. On ne s’en plaignait pas. Au moins, il en avait terminé avec ces élucubrations sur le 1318, rue de l’acacia.
Seulement, c’était sans compter sur son petit-fils à qui il avait monté le bourrichon et qui, désormais, prenait la relève.
Comme le vieux Talbert, le petit Tobias racontait à qui voulait l’entendre (il en restait encore quelques-uns) que cet acacia n’avait rien à faire ici. Le climat n’était pas fait pour lui. Impossible qu’un tel arbre puisse pousser, s’épanouir ici. On pouvait quand même admirer ce bois dans lequel on avait confectionné la couronne d’épines du Christ. Comment expliquer ce miracle ?
Miracle ou malédiction. Car bien des horreurs s’étaient produites dans cette demeure aux allures pourtant si accueillantes. Les années passaient, les cadavres s’empilaient au 1318 et, toutefois, personne dans le quartier ne semblait se préoccuper ni du défilé de propriétaires, ni de l’acacia, ni de l’adresse.
Oui, car comme l’expliquait Tobias, l’adresse elle-même était une malédiction à part entière. Le chapitre 13, verset 18, de L’Apocalypse de Jean désigne en effet le chiffre du démon. Le même démon qui occupe le 1318, rue de l’acacia. Cela faisait déjà beaucoup de coïncidences à ne pas prendre à la légère.
Et dans ce quartier, seul Tobias semblait s’en inquiéter… comme son grand-père avant lui.

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