mardi 15 novembre 2016

III – Idée de génie

La mine d’Armand, quand il arriva au bar, était pire que celle de la veille. Harry et Clyde comprirent qu’un simple repas aux chandelles ne suffirait plus. Ils réalisèrent que la situation était grave, voire désespérée. Ils surent que c’était la fin.
– Allez, elle reviendra, lui dit Harry pour lui remonter le moral.
Non, cette fois c’est bien terminé, trancha Armand.
Tu es sûr de n’avoir aucun moyen pour la faire revenir ? demanda Clyde.
L’espoir. Mais vous ne connaissez pas Amy. Quand elle dit quelque chose, pas la peine d’essayer de la faire changer d’avis. Vous ne feriez que vous enfoncer encore plus !
Le serveur arriva et déposa un demi devant Armand. Ils ne lui avaient rien demandé cependant. Armand secoua la tête.
– Un verre d’eau, ça m’ira.
Harry en lâcha son verre. Clyde éclaboussa la moitié de la table avec son Snake Byte dont il était en train de boire une gorgée. Le serveur ne savait que faire. Il était complètement paralysé. Il ne savait même plus ce dont il avait besoin pour nettoyer le rejet de Clyde ; pire, il ne savait pas s’il devait le nettoyer.
Tous trois regardèrent Armand, plongé dans ses pensées. Le serveur jeta un œil sur Clyde qui acquiesça, comme s’il lui demandait la permission de servir le verre d’eau qu’on lui réclamait. Il fit demi tour et revint quelques minutes plus tard avec le verre non alcoolisé et une éponge pour nettoyer le Snake qui commençait déjà à coller sur la table.
–  Eh ! Mon gars ! Ressaisis-toi ! Je sais ce que c’est que de voir sa gonzesse se tirer ! Surtout pour une raison débile ! lui dit Clyde.
Je me suis ramené à deux heures du mat, plein comme une outre. J’ai gerbé dans le plumard ! expliqua Armand.
Amy était là ? questionna Harry. À ton réveil, je veux dire...
Non, elle était déjà partie chez son père. Elle avait appelé son frangin pour me monter au plume.
La grosse baraque ?
Précisément !
Il y eut un silence. Un silence gêné. Plus personne ne trouvait quoi dire pour remonter le moral d’Armand. Il était vraiment au trente-sixième dessous. Plus bas que terre. Il avait cherché cela après tout. Mais était-ce une raison pour le laisser tomber ? Combien de fois Amy le lui avait-elle dit ? Combien de fois l’avait-elle prévenu ? Lui, ne faisait rien, il buvait quelques verres de temps à autre. Il revenait légèrement fait. La biture de la veille n’était vraiment qu’une exception. L’exception qui avait fait déborder le vase. Le point de non retour avait été atteint et il avait perdu un être cher, pour quelques verres de plus. C’était vraiment con. Vraiment con de sa part.
–  Un enlèvement ! lâcha soudainement Harry.
Ils le regardèrent.
–  Tu dis ? demanda Clyde.
Un enlèvement ! On prépare un faux enlèvement et tu vas la secourir pour lui montrer ton amour.
Armand regardait Harry. Il ne savait pas s’il devait le prendre au sérieux, rire ou pleurer. Il ne savait plus où il en était, il ne fallait pas le bousculer.
Tu as quoi dans ton verre toi ? interrogea Clyde.
Quoi ? Tu crois que je suis débile ?
Pas du tout !
Si, tu le crois ! Tu me regardes comme si j’étais un débile mental !
Je me demande juste ce que tu bois ! Parce que visiblement, tu as les fils qui se touchent ! Non mais sans blague ! Un enlèvement ! Et comment tu le fais ton enlèvement ?
Nouveau silence. Armand avait posé son menton sur ses poings. Il regardait devant lui et donnait l’impression que ses potes n’existaient pas à ce moment-là.
–  Elle ne vous connaît pas ! Elle ne vous a jamais vus. Elle a juste entendu parler de vous, dit-il alors.
Clyde regarda Armand, étonné. Harry sourit.
Tu es fondu toi aussi ! C’est l’eau qui te rend comme ça ! Mais vous êtes allumés du citron, ma parole !
Armand se redressa sur la banquette. Ils virent une lueur d’espoir dans ses yeux. Une étincelle avait jailli. Harry avait eu une idée de génie. Il se tourna vers lui.
– Tu envisages les choses comment ? demanda-t-il, subitement intéressé par l’idée de l’informaticien.
Tu connais ses petites habitudes. On fait en sorte de la kidnapper, je ne sais pas comment encore, tout dépendra de ce que tu as à nous dire sur son emploi du temps. Clyde et moi, on se charge de tout. On t’appelle et tu remues ciel et terre pour la retrouver. Tu la retrouves, vous vous faites des papouilles et vous avez plein de bébés en coulant des jours heureux jusqu’à la fin de votre vie !
Petit malin ! coupa Clyde. Et pourquoi on irait l’enlever, elle ? Regarde ce pauvre Armand ! Il est juste commercial dans un magasin de chaussures ! Qu’est-ce qu’on va aller kidnapper la femme d’un commercial de pompes à la con ?
Armand regarda Clyde. Il n’avait pas tort. Il trouvait juste le terme commercial de pompes à la con un peu fort.
– Et la police ? demanda Armand.
Quoi la police ? répondit Harry. Ils ne seront au courant de rien puisque s’ils le sont, on bute ta femme ! Donc, la police est hors course. On se fait ça entre nous les gars ! C’est pas méchant !
Moi je ne la connais pas la donzelle ! Et si elle nous met des bâtons dans les roues ? Si ça tourne mal et que les flics débarquent ! On se retrouve au trou !
J’ai confiance en vous les gars, dit Armand avec un sourire.
Ça me rassure ma biche ! lâcha Clyde.
J’ai besoin de toi sur cette action, Clyde, intervint Harry.
Armand fixait Clyde. Il devait prendre des yeux implorant comme les cockers parce que le regard de Clyde changea. De la colère, il passa par différentes phases le menant à la compassion. Il lâchait le morceau. Il secouait la tête.
– Merde ! Ok ! Pour Armand ! Mais on a intérêt à ce qu’il soit super bien huilé ton plan, le petit sorcier ! Parce qu’il est hors de question que je me retrouve en cabane pour sauver le mariage d’un pote !
Armand souriait. À la fois excité par ce qu’ils allaient entreprendre et émerveillé par le risque qu’allaient prendre ses amis pour lui. Seulement Clyde avait raison. Il fallait un plan parfaitement huilé, histoire de ne courir aucun risque.

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